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Comment repousser les limites de la dépendance des seniors?

La question de la dépendance des seniors fait couler beaucoup d’encre. A l’heure du virage domiciliaire et des restructurations en Ehpad, elle nous concerne tous, de près ou de loin, au présent ou au futur. Entre une espérance de vie en bonne santé qui s’allonge et l’Humanitude qui se développe, serions-nous en passe de vivre une véritable révolution sociétale? Une enquête de la Drees et les réponses d’Annie de Vivie, gérontologue, auteure et fondatrice d’agevillage.com, nous prouvent que l’on “peut tous vieillir debout.”

La vieillesse fait peur, notamment quand elle est associée aux fragilités. Elle nous renvoie à une image de nous-mêmes, un jour peut-être, que l’on juge terrible, dégradante. C’est peut-être la raison pour laquelle on préfère souvent éviter d’y penser, éviter de nous projeter dans un futur incertain et rempli d’embûches, avec la vision « évidente » d’un déclin que l’on ne saurait supporter. C’est le creuset de l’âgisme, cet ensemble de préjugés et de cases au sein desquelles on enferme les personnes âgées, tout comme le sexisme ou le racisme s’en prennent à des cibles différentes.

C’est l’un des messages que tente de nous faire passer Annie de Vivie au travers de ses ouvrages, “J’aide mon parent à vieillir debout” et “Vieillir debout”, au travers des sites agevillage.com et agevillagepro.com, au travers des nombreuses formations Humanitude dont elle et son équipe sont le prestataire officiel. Ce message fait l’effet d’une petite révolution qui nous remet tous en question et nous pousse à repenser la vieillesse, à revoir nos bases et nos convictions.

Pourquoi la démarche Humanitude® ?

La démarche Humanitude a émergé il y a près de 40 ans sous l’impulsion de Yves Gineste et Rosette Marescotti, deux anciens professeurs d’éducation physique et sportive qui ont intégré aux soins une approche ergonomique de la manutention des malades, puis humaniste et réhabilitatrice. Depuis, la méthode a fait du chemin et conquis de nombreux professionnels et institutions qui prodiguent des soins aux personnes âgées ou en situation de handicap. Au terme d’un apprentissage spécifique et ciblé des 150 techniques de l’Humanitude sous la forme notamment de formations continues du personnel en établissement et des services de soins à domicile, la démarche mène à un label humanitude, gage de respect et d’engagement pratique des professionnels envers la méthode Humanitude et tout ce qu’elle représente en termes de remise en question de la relation soignant-soigné, aidant-aidé. “On compte aujourd’hui 34 établissements labellisés en France, une centaine qui sont engagés vers le label et 800 qui se forment tous les ans,” confie Annie de Vivie.

Dans la pratique, au quotidien des soins et au cœur des Ehpad, les formateurs Humanitude sont des professionnels de santé mais surtout des professionnels de terrain. Ils interviennent directement aux côtés des soignants et parviennent bien souvent à résoudre les situations de crise, jugées difficiles, avec des résidents souvent atteints de démence et de troubles lourds du comportement liés à des maladies comme Alzheimer. “On se rend souvent compte que les refus de soins, les agitations, les apathies rendent les soignants désemparés et piégés dans le dilemme de la contrainte ou de l’abandon d’un soin pourtant essentiel. Les soignants ne font que pallier avec les moyens qu’on leur a donnés. La méthode Humanitude permet dans près de 8 cas sur 10 d’emmener le résident, l’habitant, à une forme de consentement, à sa participation aux soins, par des regards, des paroles, des touchers professionnalisés qui apaisent autant la personne aidée que le soignant lui-même ».

“On peut éviter la grabatisation”

Mais la méthode Humanitude ne s’arrête pas là. Elle préconise la verticalité, le mouvement, l’exercice adapté, qui empêchent la grabatisation. Selon Annie de Vivie, il est clairement possible d’éviter la grabatisation d’une personne fragilisée ou même atteinte d’Alzheimer par 20 minutes de verticalisation sur 24 heures en interdisciplinarité. “Il est vrai que la personne finira par mourir et sera peut-être alitée juste avant son décès, mais pas des mois avant. La grabatisation n’est pas une fatalité. On peut vivre et mourir debout, nous confie-t-elle.”

Voilà qui vient largement tordre le cou aux préjugés qui alimentent la marmite de l’âgisme et nous laisse croire indubitablement à une grabatisation progressive lors d’une perte d’autonomie. Voilà qui  questionne nos images du grand âge.

Elle insiste sur le fait que le lit doit prendre une place beaucoup moins prépondérante dans le schéma des soins.

Par ailleurs, stimuler les capacités physiques et cognitives de la personne est essentiel. Pouvoir laisser libre cours à la déambulation tout en l’accompagnant, même la nuit. “Une personne atteinte d’Alzheimer peut tout à fait effectuer certains gestes comme balayer, préparer une soupe, boire un café, si on le fait à côté d’elle. Les neurosciences attestent que la mémoire procédurale s’éteint tardivement et la mémoire émotionnelle ne s’éteint jamais.”

Ce message rejoint d’ailleurs celui que nous avons recueilli il y a quelque temps de France Alzheimer Meurthe et Moselle qui tente de sensibiliser le grand public au fait que “l’on ne s’arrête pas de vivre avec la maladie.”

Selon une enquête de la Drees, l’espérance de vie en bonne santé s’allonge

L’espérance de vie en bonne santé est l’âge jusqu’auquel on peut espérer vivre sans être gêné par son quotidien, par le handicap ou par la maladie. Selon les chercheurs, notre espérance de vie en bonne santé a progressé ces 15 dernières années, malgré un léger recul l’an passé. La dépendance et la maladie arrivent de plus en plus tard. A 65 ans, les femmes peuvent espérer vivre en bonne santé jusqu’à 76,8 ans sans problèmes, un chiffre qui a augmenté d’un an et 9 mois depuis 2008.

Quant à eux, les hommes de 65 ans vivent en bonne santé jusqu’à 75,2 ans, soit 1 an et 6 mois de plus qu’en 2008. Comment expliquer une telle évolution ? Les raisons évoquées par les professionnels sont notamment une meilleure prévention, des programmes de dépistage précoce, une amélioration dans la prise en charge des soins, l’exercice, l’alimentation et les habitudes de vie en général, de l’implication dans ses projets. Le fait est que nous nous trouvons face à un nouveau constat qui nous éloigne des limites posées par l’âgisme.

Les résultats de l’enquête menée par la Drees s’inscrivent dans la logique d’une société vieillissante qui évolue et nécessite des changements structurels qui accompagnent cette transformation. “Tout va dépendre de la manière dont on se saisit et dont l’État se saisit de la prévention, de l’adaptation de la cité à 5 générations côtes à côtes. Sachant que la clé d’un vieillissement debout est avant tout le lien avec les autres personnes, la sociabilité, les projets.C’est ce lien qui donne envie de bouger, de manger. Les zones bleues où l’on trouve le plus de centenaires dans le monde sont celles où l’alimentation est locale et frugale, où l’on pratique une activité physique continue, où surtout l’on accorde un rôle privilégié au lien social à tous les âges », explique Annie de Vivie.

Lutter contre l’âgisme

Admettre un nouveau rapport aux soins,  à l’accompagnement des personnes âgées, afin de tenir compte des nouveaux défis de la société, implique un regard différent sur la vieillesse, sur ce que veulent les personnes âgées elles-mêmes, loin de l’infantilisation et des préjugés. C’est un “rien pour les vieux sans les vieux eux-mêmes” qui devient acceptable, adapté à la nouvelle réalité. Pour Annie de Vivie, il est clair que ce sont d’abord les mentalités qui doivent changer : “On vit une révolution que l’on n’a pas voulu voir. De toute façon, je vais vieillir et j’aimerais vieillir avec des professionnels qui seront au niveau de mon besoin.”

A l’heure où le système  s’essouffle, il serait peut-être temps de prendre des mesures plus profondes, intrinsèquement liées à l’image que l’on a des personnes âgées. On pourrait alors envisager de plus grands changements qui ne feraient pas que colmater la brèche.

L’avenir d’une société qui vieillit et en meilleure santé se trouve certainement dans une approche plus tolérante et plus active, où l’on replace l’humain et ses désirs au centre de tout et quel que soit son âge.  “Tu m’as donné le dernier plaisir de ma vie” s’est exclamé un papy en fauteuil roulant à Leslie, l’animatrice de la résidence Saint Clair du réseau Bridge, lorsqu’elle a organisé une sortie au Parc aquatique Marineland à Antibes avec ses résidents.

Annie de Vivie nous rappelle que les personnes âgées ont des envies auxquelles l’Humanitude s’accroche pour les aider à rester debout et pour que la société parvienne à se débarrasser d’un âgisme piégeux et délétère.

Sources : www.agevillage.com pour les familles, les aidants, www.agevillagepro.com pour les professionnels de la gérontologie, www.humanitude.fr sur la démarche Humanitude, www.lelabelhumanitude.fr

Livres : “J’aide mon parent à vieillir debout”, “Vieillir debout, ils relèvent le défi : le label Humanitude”  Chez Chronique sociale.

Sophie B.

Rédactrice, journaliste presse et web passionnée de lettres et de belles lettres, Sophie dispose d’une grande expérience dans le domaine de la rédaction. A la recherche de la satisfaction des lecteurs, Sophie s’attache à la clarté du sens autant qu’à la beauté du verbe. Un diplôme de Sciences Politiques tout comme une formation d’enseignante lui permettent d’allier justesse, dynamisme et rigueur au service d’un contenu unique et recherché. Elle part sans cesse à la recherche de la réalité du terrain. Ses investigations auprès des publics concernés et les interviews qu’elle mène avec professionnalisme rendent son contenu vivant et instructif. Depuis plusieurs années, Sophie met sa plume et son expertise au service des seniors, afin d’approfondir de manière claire et rigoureuse les thématiques qui les touchent de près.

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