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EHPAD : la Cnil donne son avis sur la vidéosurveillance

Depuis que la problématique des maltraitances en Ehpad a secoué l’opinion publique, diverses solutions ont été proposées pour accroître la sécurité des résidents et la surveillance au sein des établissements. Parmi elles, la possibilité de placer des caméras dans les espaces communs et au sein des chambres. La Cnil a donné son accord sous certaines conditions. 

Voilà une initiative qui devrait rassurer les familles qui s’inquiètent pour le bien-être de leur proche en Ehpad depuis la médiatisation de cas de maltraitance en Ehpad. Ce sont en effet plusieurs organismes sociaux et médico-sociaux qui se sont tournés vers la Cnil, la Commission nationale de l’informatique et des libertés, pour soulever la question des possibilités et des conditions de l’installation de dispositifs de surveillance dans les chambres des résidents. 

La Cnil a répondu dans sa “Délibération n° 2024-024 du 29 février 2024 portant adoption d’une recommandation relative à la mise en place de dispositifs de vidéosurveillance au sein des chambres des établissements accueillant des personnes âgées”, publiée le 2 mai dernier dans le Journal officiel. 

L’installation de caméras dans les espaces communs de l’établissement doit respecter les dispositions du RGPD

La Cnil rappelle tout d’abord que l’installation de caméras dans les espaces ouverts au public comme les lieux d’entrée et de sortie des établissements médico-sociaux est soumise aux règles de RGPD et à la loi « informatique et libertés ». “Elle doit également faire l’objet d’une autorisation délivrée par la préfecture du lieu d’implantation du dispositif,” précise-t-elle. 

Concernant les espaces communs de la résidence comme la salle à manger, la bibliothèque, les salons ou les autres lieux ouverts aux résidents, aux invités et au personnel, “l’installation de dispositifs de vidéosurveillance est en principe autorisée pour assurer la sécurité des biens et des personnes à condition de ne pas placer sous surveillance constante les salariés ou les résidents.” L’installation de caméras dans les espaces communs des Ehpad ne semble donc pas poser de problème particulier. Cependant, certains organismes sociaux et médico-sociaux ont demandé à la Cnil de se prononcer sur l’installation de tels dispositifs au sein des chambres des résidents, une sphère plus intime qui soulève des interrogations juridiques et éthiques. 

La vidéosurveillance dans les chambres des EHPAD : entre sécurité et respect de la vie privée

Si l’installation de dispositifs de vidéosurveillance dans les chambres des Ehpad peut rassurer les familles et permettre de protéger davantage les résidents, il faut également considérer l’importance de respecter l’intimité et la vie privée des personnes. La Cnil relève l’impératif de trouver un équilibre entre ces deux priorités, afin que les résidents puissent continuer de se sentir bien dans leur chambre. “Le déploiement de tels dispositifs est susceptible de priver les personnes hébergées de la possibilité de pouvoir vivre dans leur chambre sans être l’objet d’une surveillance, et notamment d’une surveillance permanente, ce qui constitue une atteinte à leurs droits fondamentaux”, explique la Cnil. Elle conclut à la nécessité de répondre à un réel besoin et de respecter les conditions strictes du RGPD et de la loi « informatique et libertés”, pour pouvoir installer des caméras dans les chambres des résidents.

La vidéosurveillance interdite pour le confort ou l’amélioration du service

Ainsi, la Cnil pose des conditions strictes à l’installation de dispositifs de vidéosurveillance dans les chambres des personnes hébergées. S’il s’agit d’augmenter le confort du résident et d’améliorer le service à la personne, par le biais par exemple d’une intervention plus rapide du personnel pour satisfaire à une demande particulière, la vidéosurveillance en chambre est interdite, même si l’intéressé a donné son consentement. La Cnil tient ainsi compte de deux problèmes essentiels posés par l’installation de dispositifs de vidéosurveillance, à savoir le fait qu’elle porte une atteinte “particulièrement forte à la dignité des personnes hébergées, filmées en permanence dans leur lieu de vie et qu’elle est susceptible de placer les salariés sous surveillance continue. Au vu des ces éléments qui porteraient atteinte aux libertés et aux droits des résidents et des salariés, seules des conditions extrêmes peuvent justifier l’installation de caméras dans les chambres. 

Privilégier d’autres solutions pour la protection des aînés

La Cnil recommande ainsi de privilégier d’autres alternatives plutôt que la vidéosurveillance pour renforcer la sécurité et la protection des résidents d’Ehpad. D’autres dispositifs moins intrusifs dans la vie privée peuvent être mis en place comme des enquêtes de satisfaction, des cahiers de doléances à destination des personnes hébergées et des familles, des dispositifs d’appel réagissant à la voix ou au geste, des dialogues avec le Conseil de la vie sociale et d’autres initiatives de ce type. Concernant la sécurité des résidents en cas de chute ou d’accident, la Cnil propose également d’autres solutions à mettre en place au lieu de la vidéosurveillance comme des capteurs de présence placés sous le sol permettant de détecter la moindre anomalie, un bracelet susceptible de détecter une chute brutale grâce à un accéléromètre, des capteurs ou boîtiers infrarouges capables de détecter une chute et d’envoyer un message d’alerte au personnel ou d’autres dispositifs similaires de sécurité. 

Dans quels cas la vidéosurveillance dans les chambres est-elle autorisée? 

La Cnil restreint le recours à la vidéosurveillance dans les chambres à des cas bien définis. “L’installation d’un dispositif de vidéosurveillance ne peut être envisagé que pour assurer la sécurité des personnes hébergées dans le cadre d’une enquête pour maltraitance.”

Elle ajoute à cette définition deux conditions qui doivent être obligatoirement et conjointement respectées : 

  • En cas de suspicion étayée de mauvais traitements comme la présence d’hématomes, le constat de changements comportementaux ou d’autres signes similaires. Et uniquement après que d’autres dispositifs se sont avérés insuffisants, par exemple, “un bouton d’appel d’urgence sans fil, des procédures internes de détection des événements indésirables, des procédures de signalement et de suivi d’événements préoccupants, la création d’équipe de travail afin de permettre l’intervention des soignants en binôme”.
  •  Après l’échec des procédures d’enquêtes internes si celles-ci n’ont pas permis de lever le doute sur une situation de maltraitance ou d’en déterminer l’origine.

Contrôler les salariés en respectant le droit à la vie privée 

La Cnil rappelle le droit des salariés au respect de la vie privée pendant les heures de travail et sur leur lieu de travail. Si, d’une part, l’employeur est en droit de contrôler le travail des employés et que la vidéosurveillance peut servir ce but en protégeant les biens et les personnes hébergées, elle doit être proportionnée et ne pas porter atteinte aux libertés et aux droits fondamentaux des employés. Afin de respecter cette mesure, les salariés ne doivent pas être contrôlés de manière continue sur leur lieu de travail, sauf dans certains cas particuliers où un tel contrôle serait justifié, à savoir, pour fortes suspicions de maltraitance. 

Avant de mettre en place un système de vidéosurveillance à la suite de suspicions de maltraitance, les salariés doivent en être informés et il est nécessaire de leur rappeler à cette occasion et de manière générale les éléments suivants concernant la lutte contre la maltraitance

  • Une personne physique est susceptible d’engager sa responsabilité pénale en cas de non-dénonciation de mauvais traitements infligés à une personne qui n’est pas en mesure de se protéger notamment en raison de son âge ou d’une maladie.
  • Les établissements doivent informer sans délai les autorités administratives compétentes (agence régionale de santé, préfet de département, président du conseil général) de tout dysfonctionnement grave dans leur gestion ou leur organisation, susceptible d’affecter la prise en charge des usagers, leur accompagnement ou le respect de leurs droits.
  • Un salarié ou agent ayant témoigné de mauvais traitements infligés à une personne accueillie au sein de son établissement peut faire l’objet d’une protection identique à celle offerte aux lanceurs d’alerte

En conclusion, la Cnil recommande de privilégier d’autres dispositifs moins intrusifs pour assurer la sécurité des personnes hébergées, de prévoir l’installation de systèmes de vidéosurveillance dans les chambres en dernier recours et uniquement en cas de fortes suspicions de maltraitance. La direction est tenue par ailleurs d’en informer au préalable les salariés. Si la vidéosurveillance en chambre doit être envisagée et que les autres solutions ont échoué, les établissements sont tenus de respecter certaines conditions. Ils doivent notamment pouvoir installer ponctuellement un dispositif de vidéosurveillance dans la chambre des seules personnes concernées, limiter l’activation dans le temps et désactiver le dispositif de vidéosurveillance lors des visites de proches, sauf si le soupçon de maltraitance porte sur ces derniers.

Au vue des réflexions et des réponses apportées par la Cnil, la question de l’installation de systèmes de vidéosurveillance dans les chambres des Ehpad apparaît délicate et implique dans la pratique des solutions proportionnées permettant à la fois de protéger les personnes hébergées et de préserver leur liberté et leur intimité, ainsi que le droit fondamental au respect de la vie privée des salariés. 

Sources : Bulletin officiel, délibération n° 2024-024 du 29 février 2024 

Sophie B.

Rédactrice, journaliste presse et web passionnée de lettres et de belles lettres, Sophie dispose d’une grande expérience dans le domaine de la rédaction. A la recherche de la satisfaction des lecteurs, Sophie s’attache à la clarté du sens autant qu’à la beauté du verbe. Un diplôme de Sciences Politiques tout comme une formation d’enseignante lui permettent d’allier justesse, dynamisme et rigueur au service d’un contenu unique et recherché. Elle part sans cesse à la recherche de la réalité du terrain. Ses investigations auprès des publics concernés et les interviews qu’elle mène avec professionnalisme rendent son contenu vivant et instructif. Depuis plusieurs années, Sophie met sa plume et son expertise au service des seniors, afin d’approfondir de manière claire et rigoureuse les thématiques qui les touchent de près.

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