L’entrée en maison de retraite représente souvent un moment délicat pour les familles, tant sur le plan émotionnel que financier. Face à des tarifs mensuels qui peuvent dépasser les revenus de la personne âgée, la question du financement se pose inévitablement : qui doit payer la maison de retraite ? Afin d’éviter les conflits, il est important de connaître les règles en vigueur. Entre ressources personnelles, aides financières et solidarité familiale, le cadre légal définit précisément les responsabilités de chacun.
Le principe de base : la personne âgée paie en priorité
En premier lieu, c’est bien la personne âgée elle-même qui doit assumer les frais de son hébergement en maison de retraite. Cette règle fondamentale s’applique tant que ses ressources le permettent. La facture mensuelle en Ehpad comprend plusieurs catégories de dépenses qu’il est important de bien distinguer.
Comprendre la composition de la facture en Ehpad
La facturation d’un séjour en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes se divise en trois sections distinctes :
Le tarif hébergement regroupe l’ensemble des prestations hôtelières : la chambre, les repas, l’entretien du linge, les animations et les espaces communs. Ce tarif varie considérablement selon le standing de l’établissement, sa localisation géographique et le type de chambre choisi. En 2025, le coût moyen d’un EHPAD se situe entre 2 100 et 2 400 euros par mois dans le public, et entre 2 800 et 3 500 euros dans le privé.
Le tarif dépendance correspond à la prise en charge quotidienne de la personne âgée par l’équipe soignante : aide à la toilette, aux déplacements, à l’habillement et aux repas. Ce montant est calculé en fonction du degré d’autonomie du résident, évalué selon la grille AGGIR comprenant 6 groupes iso-ressources ou GIR. Plus la personne est dépendante (GIR 1 et 2), plus ce tarif est élevé, tandis que les personnes les plus autonomes (GIR 5 et 6) ne paient qu’un ticket modérateur.
Le tarif soins finance les soins médicaux et paramédicaux dispensés par l’établissement. Cette section a la particularité d’être directement prise en charge par l’Assurance maladie, sans intervention financière du résident ou de sa famille. Notons qu’une expérimentation de fusion des sections soins et dépendance est en cours dans 23 départements depuis 2024, avec une possible généralisation à partir de 2027 si les résultats s’avèrent concluants.
Les ressources mobilisables de la personne âgée
Pour financer son hébergement, le résident dispose généralement de plusieurs sources de revenus : sa pension de retraite principale, les retraites complémentaires, d’éventuels revenus fonciers issus de la location de biens immobiliers, ou encore des revenus de capitaux mobiliers. Pour certaines personnes propriétaires de leur logement, la vente en viager peut constituer une solution pour financer l’hébergement en Ehpad. Le viager libre permet de disposer immédiatement d’un capital (le bouquet) tout en percevant une rente viagère mensuelle, ce qui peut significativement améliorer les capacités financières pour couvrir les frais de maison de retraite.
L’ensemble de ces ressources doit en priorité être consacré au paiement de la maison de retraite.
Il arrive cependant que ces revenus ne suffisent pas à couvrir la totalité des frais d’hébergement, créant ainsi un reste à charge parfois conséquent. C’est dans cette situation que les aides financières publiques et la solidarité familiale peuvent être sollicitées.
Les aides financières pour alléger le coût de l’hébergement
Plusieurs dispositifs d’aide existent pour soutenir les personnes âgées dont les ressources sont insuffisantes. Ces aides publiques constituent un premier recours avant toute sollicitation de la famille.
L’Allocation personnalisée d’autonomie (APA)
L’APA est l’une des principales aides pour financer le tarif dépendance en EHPAD. Versée par le département, elle permet de couvrir tout ou partie des frais liés à la perte d’autonomie. Son montant varie en fonction du degré de dépendance (GIR) et des ressources du demandeur.
Cette aide présente l’avantage majeur de ne pas être récupérable sur succession et de ne pas solliciter les obligés alimentaires. Elle est donc accordée uniquement sur la base de la situation personnelle de la personne âgée, sans faire intervenir la famille.
Les aides au logement : APL et ALS
Pour alléger le tarif hébergement, les résidents d’EHPAD peuvent bénéficier d’une aide au logement, sous réserve que l’établissement soit conventionné. L’Aide personnalisée au logement (APL) ou l’Allocation de logement social (ALS) sont versées directement à l’établissement et viennent en déduction de la facture mensuelle.
Ces aides sont attribuées sous conditions de ressources et leur montant dépend de la situation financière du résident. Elles constituent un levier important pour réduire le reste à charge, sans aucune implication des descendants.
La réduction d’impôt pour hébergement en Ehpad
Les personnes âgées imposables qui vivent en Ehpad ou en résidence autonomie peuvent bénéficier d’une réduction d’impôt. Cette réduction fiscale s’élève à 25% des dépenses d’hébergement et de dépendance, dans la limite de 10 000 euros par an et par personne hébergée. Cette mesure permet d’alléger significativement la charge fiscale des résidents ou de leurs familles lorsqu’elles participent au financement.
L’obligation alimentaire : quand la famille doit intervenir
Lorsque les ressources de la personne âgée, même complétées par les aides publiques, restent insuffisantes pour couvrir les frais d’hébergement, le principe de solidarité familiale entre en jeu. C’est ici qu’intervient l’obligation alimentaire, un devoir juridique inscrit dans le Code civil.
Le fondement légal de l’obligation alimentaire
L’obligation alimentaire trouve son origine dans les articles 205 à 207 du Code civil. L’article 205 stipule clairement que « les enfants doivent des aliments à leurs père et mère ou autres ascendants qui sont dans le besoin ». Le terme « aliments » ne se limite pas à la nourriture mais englobe tous les besoins essentiels : hébergement, vêtements, soins médicaux et, par extension, les frais de maison de retraite.
Cette obligation repose sur un principe simple : la solidarité familiale prime sur la solidarité collective. Avant que l’État ou les collectivités n’interviennent massivement, les proches doivent être sollicités pour aider leur parent dans le besoin.
Qui sont les obligés alimentaires ?
La loi définit précisément le cercle des personnes tenues à cette obligation :
Les enfants constituent les premiers obligés alimentaires. Tous les enfants biologiques et adoptés (adoption plénière) sont concernés, qu’ils soient mariés, pacsés ou célibataires. Cette obligation s’applique dès lors que le parent est dans une situation de besoin avéré.
Les gendres et belles-filles sont également tenus à l’obligation alimentaire envers leurs beaux-parents, selon l’article 206 du Code civil. Toutefois, cette obligation cesse dans deux situations : au décès du conjoint qui créait le lien de parenté, ou au décès de tous les enfants issus du mariage. Le divorce met également fin à cette obligation envers les ex-beaux-parents.
Les petits-enfants, jusqu’à récemment, pouvaient être sollicités au titre de l’obligation alimentaire. La loi bien vieillir du 8 avril 2024 a retiré les petits-enfants de l’obligation alimentaire dans certains cas.
Les petits-enfants et la loi bien vieillir : une évolution majeure
La loi portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir et de l’autonomie, promulguée le 8 avril 2024, a apporté un changement significatif concernant les petits-enfants. Désormais, les petits-enfants sont dispensés de l’obligation alimentaire dans le cadre d’une demande d’aide sociale à l’hébergement (ASH) pour leurs grands-parents.
Cette mesure vise plusieurs objectifs : soulager financièrement les jeunes générations souvent confrontées à leurs propres difficultés économiques, réduire les conflits familiaux que pouvait générer cette obligation, et encourager davantage de personnes âgées à faire une demande d’ASH sans craindre de solliciter leurs petits-enfants.
Il convient toutefois de préciser que cette dispense s’applique uniquement dans le cadre d’une demande d’ASH. En dehors de ce contexte, si une personne âgée saisit directement le juge aux affaires familiales pour demander une obligation alimentaire sans passer par l’aide sociale, les petits-enfants peuvent théoriquement encore être sollicités, bien que cette situation reste rare dans la pratique.
L’aide sociale à l’hébergement (ASH) : le dernier recours
Lorsque l’ensemble des ressources de la personne âgée et la participation de ses obligés alimentaires ne suffisent pas à couvrir les frais d’hébergement, l’aide sociale à l’hébergement peut être sollicitée auprès du conseil départemental.S cette aide apporte de nombreux avantages, elle comporte des inconvénients et peut même, dans certains cas, représenter un frein à l’entrée en Ehpad d’une personne âgée.
Les conditions d’éligibilité à l’ASH
Pour bénéficier de l’ASH, plusieurs critères doivent être réunis :
- Être âgé de plus de 65 ans (ou de plus de 60 ans si l’on est reconnu inapte au travail)
- Résider en France de façon stable et régulière depuis au moins trois mois
- Disposer de ressources inférieures au montant des frais d’hébergement
- Être hébergé dans un établissement habilité à recevoir des bénéficiaires de l’aide sociale (Ehpad, résidence autonomie ou USLD avec places conventionnées)
Le fonctionnement de l’ASH et la sollicitation des obligés alimentaires
L’ASH fonctionne selon un principe simple : le département complète la différence entre ce que peut payer le résident (sauf 10% qu’il conserve pour ses besoins personnels) et le tarif de l’établissement. Toutefois, avant d’intervenir, le département peut solliciter les obligés alimentaires.
Cette sollicitation varie considérablement d’un département à l’autre. Certains conseils départementaux renoncent volontairement à faire appel aux obligés alimentaires, tandis que d’autres les sollicitent systématiquement. Dans le cas où les obligés alimentaires sont sollicités dans le cadre d’une demande d’ASH, seuls les enfants, gendres et belles-filles sont concernés, les petits-enfants étant désormais exemptés depuis la loi bien vieillir.
Lorsque le département sollicite les obligés alimentaires, il envoie à chacun d’eux un formulaire leur demandant d’indiquer leurs ressources et charges, afin d’évaluer les capacités financières et la participation de chacun d’eux.
Les démarches pour demander l’ASH
Le dossier de demande d’ASH doit être retiré auprès de la mairie ou du centre communal d’action sociale (CCAS) du lieu de résidence de la personne âgée. Il comprend plusieurs pièces justificatives : formulaire de demande, justificatif d’identité, justificatifs de ressources, attestation d’hébergement de l’établissement et, si nécessaire, documents concernant les obligés alimentaires.
Il est fortement recommandé d’effectuer cette demande dans les deux mois suivant l’entrée en établissement pour que la prise en charge débute dès la date d’admission.
La récupération sur succession : un aspect à connaître
Un élément important souvent méconnu : l’ASH est récupérable sur la succession du bénéficiaire après son décès. Le département peut récupérer les sommes versées sur l’actif successoral, ce qui peut réduire l’héritage transmis aux descendants. Cette récupération s’effectue dans la limite de l’actif net de la succession et ne concerne pas certains biens, comme la résidence principale, si elle est occupée par le conjoint survivant ou certains héritiers.
Comment est fixé le montant de l’obligation alimentaire ?
Lorsque l’obligation alimentaire doit s’appliquer, son montant n’est pas déterminé de manière arbitraire. Plusieurs mécanismes permettent de l’établir équitablement.
La fixation à l’amiable : la solution privilégiée
Dans l’idéal, les obligés alimentaires s’entendent entre eux pour déterminer qui contribue et à quelle hauteur. Cette solution amiable évite les procédures judiciaires longues et conflictuelles. Les discussions familiales tiennent compte des ressources de chacun, de leurs charges respectives et du lien affectif avec la personne âgée.
Certaines familles optent pour une répartition égalitaire entre tous les enfants, tandis que d’autres privilégient une répartition proportionnelle aux revenus de chacun. L’essentiel est de parvenir à un accord qui satisfasse toutes les parties et couvre les besoins du parent dans le besoin.
L’intervention du juge aux affaires familiales
En l’absence d’accord amiable, le juge aux affaires familiales peut être saisi par la personne âgée, par l’un des obligés alimentaires ou même par l’établissement public de santé qui l’héberge. Le juge évalue alors deux éléments fondamentaux : les besoins réels de la personne âgée et la capacité contributive de chaque obligé alimentaire.
Les ressources prises en compte pour l’obligé alimentaire comprennent tous ses revenus : salaires, pensions de retraite, revenus fonciers, revenus de capitaux mobiliers, prestations sociales. Les revenus du conjoint marié sont également pris en compte, contrairement au partenaire de PACS ou au concubin dont les ressources ne sont pas considérées.
Les charges déductibles permettent d’établir la capacité contributive réelle de l’obligé : loyer ou remboursement d’emprunt immobilier pour la résidence principale, pensions alimentaires déjà versées pour d’autres personnes, charges exceptionnelles avérées. Le juge apprécie au cas par cas la légitimité de chaque charge invoquée.
La révision du montant de l’obligation alimentaire
Le montant de l’obligation alimentaire n’est jamais figé définitivement. Il peut être révisé à la hausse comme à la baisse en fonction de l’évolution de la situation financière des parties concernées.
Un obligé alimentaire qui perd son emploi, subit une baisse importante de revenus ou voit ses charges augmenter significativement peut demander une révision du montant auprès du juge aux affaires familiales. De même, si la situation du parent bénéficiaire s’améliore, une diminution ou une suppression de l’obligation peut être sollicitée.
Les recours en cas de conflit
Les questions financières liées à l’obligation alimentaire génèrent parfois des tensions familiales importantes. Plusieurs recours existent pour résoudre les conflits.
Le refus ou la contestation de l’obligation alimentaire
Un descendant peut légitimement refuser ou contester son obligation alimentaire dans plusieurs situations : s’il estime que son ascendant n’est pas réellement dans le besoin, si ses propres ressources sont insuffisantes, ou s’il invoque un manquement grave du parent à ses obligations.
Dans ce cas, il doit saisir le juge aux affaires familiales en complétant le formulaire Cerfa n°15454*03 ou par courrier libre, en expliquant précisément les motifs de son refus ou de sa contestation. Il est fortement recommandé de joindre tous les justificatifs nécessaires : preuves de charges, avis d’imposition, témoignages en cas d’allégation de manquement parental.
La médiation familiale : une alternative constructive
Avant toute saisine judiciaire, il est vivement conseillé de faire appel à un médiateur familial. Ce professionnel neutre et impartial aide les parties à renouer le dialogue, à exprimer leurs points de vue respectifs et à trouver un accord acceptable pour tous.
La médiation familiale présente de nombreux avantages : elle préserve les relations familiales, coûte moins cher qu’une procédure judiciaire, aboutit plus rapidement à une solution et responsabilise les parties dans la recherche d’un compromis. Si un accord est trouvé lors de la médiation, il peut ensuite être homologué par le juge aux affaires familiales pour lui conférer force exécutoire.
Les sanctions en cas de non-paiement
Le non-respect d’une obligation alimentaire fixée par le juge constitue un délit pénal grave. Un obligé alimentaire qui ne verse pas la pension due pendant plus de deux mois consécutifs s’expose à une condamnation pour abandon de famille. Cette infraction peut être punie de deux ans d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.
Par ailleurs, l’ascendant peut mettre en œuvre une procédure de recouvrement forcé via un huissier de justice, sur la base du jugement. Des saisies sur salaire ou sur compte bancaire peuvent alors être pratiquées.
Conseils pratiques pour les familles
Face à la complexité du financement d’une maison de retraite, quelques recommandations peuvent aider les familles à mieux gérer cette situation.
Anticiper et planifier
L’entrée en maison de retraite ne survient pas toujours brutalement. Dès lors qu’une perte d’autonomie se profile ou que le maintien à domicile devient difficile, il est recommandé d’anticiper les aspects financiers. Cela permet d’explorer toutes les pistes de financement, de constituer les dossiers d’aide en temps utile et d’avoir des discussions familiales sereines avant l’urgence.
Bien s’informer sur les aides disponibles
Toutes les aides ne sont pas systématiquement attribuées. Il faut les demander explicitement en constituant les dossiers appropriés. L’APA, les aides au logement, la réduction d’impôt et l’ASH constituent autant de leviers qui, combinés, peuvent considérablement réduire le reste à charge familial.
Privilégier le dialogue familial
Les questions d’argent sont souvent sources de tensions dans les familles. Organiser une réunion familiale pour aborder sereinement le sujet, exposer la situation financière du parent, évaluer les capacités de chacun et trouver ensemble une solution équitable permet d’éviter bien des conflits futurs. La transparence et le respect des contraintes de chacun sont essentiels.
Choisir un établissement adapté au budget
Le coût d’un EHPAD varie considérablement selon sa localisation, son statut et son standing. Parfois, élargir sa recherche géographique permet de trouver des établissements de qualité à des tarifs plus abordables. BookingSeniors propose un comparateur en ligne permettant de comparer les prix et prestations de milliers d’établissements en France, facilitant ainsi la recherche d’un Ehpad correspondant au budget de chacun.
Conserver tous les justificatifs
Que ce soit pour les demandes d’aides ou pour une éventuelle déduction fiscale, il est crucial de conserver tous les justificatifs de paiement des frais d’hébergement et de dépendance. Ces documents seront nécessaires pour la déclaration d’impôt et pour tout recours administratif ou judiciaire.
Ainsi la question « qui doit payer la maison de retraite ? » trouve sa réponse dans un système complexe qui mêle responsabilité individuelle, solidarité familiale et solidarité collective. En premier lieu, c’est la personne âgée elle-même qui assume les frais de son hébergement avec ses ressources propres, complétées par les aides publiques. Lorsque ces ressources s’avèrent insuffisantes, l’obligation alimentaire fait intervenir la solidarité familiale. Enfin, l’aide sociale à l’hébergement constitue le dernier filet de sécurité, le département prenant en charge le solde restant.
Ce cadre juridique, fruit d’un équilibre entre droits et devoirs familiaux, évolue pour s’adapter aux réalités socio-économiques contemporaines. Les récentes modifications législatives témoignent d’une volonté de protéger les jeunes générations tout en garantissant un hébergement digne aux personnes âgées dépendantes. Pour les familles confrontées à ces questions, l’information, l’anticipation et le dialogue restent les meilleures clés pour traverser sereinement cette étape de vie.
Sources :
- Code civil, articles 205, 206, 207 et 208
- Code de l’action sociale et des familles, article L.132-6
- Loi n°2024-317 du 8 avril 2024 portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir et de l’autonomie
- Service-public.fr : Aide sociale à l’hébergement (ASH)
- Solidarites.gouv.fr : Aide sociale à l’hébergement
- Pour-les-personnes-agees.gouv.fr : portail national d’information





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