Vivre chez soi, sans être seul, accompagné par des professionnels, au sein de logements adaptés. L’habitat partagé apparaît comme une nouvelle solution innovante de logement pour les personnes âgées ou en situation de handicap. La première mesure d’impact social à échelle nationale réalisée sur l’habitat accompagné, partagé et inséré (API) vient d’être publiée par l’association Hapi. Focus sur les impacts positifs de ce mode de vie solidaire.
Colocations seniors, villas Alzheimer, habitat groupé, habitat diffus, habitat accompagné, sont autant de termes qui définissent la réalité d’un nombre croissant de personnes âgées ou en situation de handicap qui choisissent de partager un logement, mais surtout un mode de vie. De manière inédite, une expérimentation a été réalisée à l’échelle nationale par l’association Hapi (Habitat Accompagné Partagé et Inséré) fondée en 2021 par la Caisse des Dépôts, la Fondation des Petits Frères des Pauvres et le Réseau HAPA, sur la base d’une grande collecte de données, auprès de 28 porteurs de projets d’habitat accompagné, partagé et inséré répartis sur toute la France.
Face aux enjeux du vieillissement de la population et de l’émergence croissante du nombre d’habitat inclusif, les membres fondateurs de l’association Hapi, la Caisse des Dépôts, la Fondation des Petits Frères des Pauvres et le Réseau HAPA, ont souhaité oeuvré ensemble pour un projet d’envergure, qui s’inscrit dans une volonté globale de soutenir le développement de l’habitat accompagné, partagé et inséré dans la vie locale. L’expérimentation collective réalisée au cours de l’année 2024 apporte un précieux éclairage sur l’ensemble des modèles de l’habitat partagé, une évaluation rigoureuse des différentes dimensions, habitat, accompagné, partagé et inséré, du point de vue des habitants, des professionnels et des proches, ainsi qu’une vision claire de l’impact social de ce mode de vie solidaire.
Qu’est-ce que l’habitat accompagné, partagé et inséré (api) ?
L’api est une forme d’habitation qui repose sur différents modèles d’habitat partagé pour les personnes âgées ou en situation de handicap.
On trouve les modèles suivants d’habitat API :
- L’habitat partagé ou colocation. Les habitants partagent un même logement avec d’autres colocataires. Chacun dispose d’une chambre privative, avec un accès libre aux espaces communs.
- L’habitat groupé. Chaque habitant dispose d’un logement privatif et autonome. Les logements sont à la fois situés à proximité les uns des autres et proches d’espaces communs définis pour les activités et les temps de convivialité partagés.
- L’habitat diffus. Il regroupe différents logements répartis au sein du même quartier, qui inclut également des espaces communs à la disposition des habitants pour les activités et les temps de convivialité partagés.
Selon les protagonistes de l’expérimentation, l’api a pour objectif principal d’apporter une réponse à la perte d’autonomie, à la fois à titre préventif en luttant contre l’isolement et le repli sur soi, et en mettant à disposition des moyens communs pour faire face à cette perte d’autonomie. “. Il participe à un mouvement de diversification de l’offre qui permet l’émergence de nouveaux modèles, adaptés aux attentes et aux besoins des personnes : pouvoir vivre chez soi quand on ne souhaite pas être isolé, ou que l’on ne peut plus vivre seul sans aide”, précise le rapport de l’Hapi.
Les 4 dimensions de l’api évaluées : Habitat, Partagé, Accompagné, Inséré
Sur la base d’une méthodologie unique et de l’élaboration, en 2022 et 2023, d’un kit d’outils guidée par le bureau d’études Ellyx en collaboration étroite avec le Réseau Hapa, l’expérimentation a été menée en 2024 auprès de 28 porteurs de projets participants, en vue d’une grande collecte de données issue directement de la réalité du terrain.
Au cours de l’expérimentation, 4 dimensions de l’api ont été évaluées :
- Habitat. Les deux variables évaluées étaient :
- Les habitants vivent dans un habitat qui répond à leurs besoins.
- Les habitants sont chez eux et libres de leur choix.
- Partagé. Les deux variables évaluées étaient :
- Les habitants développent du lien social et ne se sentent pas isolés.
- Les habitants participent au projet de vie sociale et partagé.
- Accompagné. Les 4 variables évaluées étaient :
- Les habitants sont soutenus dans leur projet individuel.
- Les habitants trouvent une réponse à leurs besoins d’aide et de soins.
- Les proches aidants vivent bien leur situation familiale et personnelle.
- Les professionnels ont une bonne qualité de vie au travail.
- Inséré. La variable évaluée était :
- Les habitants sont insérés dans la vie locale
Plusieurs critères de sélection des porteurs de projets ont permis un échantillonnage représentatif de l’offre variée de l’habitat API : structure architecturale ( colocation, habitats partagés, regroupé, diffus), organisation de l’accompagnement et ancienneté de l’habitat, activité des porteurs de projets et localisation géographique, ainsi que le type de communes.
Au total, ce sont les données de 194 questionnaires habitants complétés, 148 questionnaires professionnels, 68 questionnaires proches et 17 questionnaires bénévoles qui ont été recueillies avec des outils de collecte et d’analyse sur-mesure, adaptés à la diversité des projets.
Les habitants représentaient le cœur de la cible.Sur les 185 habitants interrogés, 97 sont des personnes âgées autonomes et 88 des personnes en situation de handicap. Par ailleurs, 9 personnes vivant avec la maladie d’Alzheimer ou une maladie apparentée ont également répondu aux questionnaires, mais leurs réponses ont été récoltées dans le cadre d’une démarche spécifique et n’ont pas pu être intégrées aux résultats généraux.
Concernant le type d’habitat, 75 vivaient en colocations, 80 en habitats groupés et 30 en habitats en diffus.
Les habitants interrogés ont répondu à des questions détaillées ou participé à des entretiens individualisés ou de groupe, dans le but d’explorer de manière détaillée les 4 dimensions de l’api : Habitat, Partagé, Accompagné et Inséré.
Les habitants se sentent bien, en sécurité et dans des logements adaptés
En ce qui concerne la dimension de l’habitat, les participants expriment globalement une satisfaction élevée concernant les conditions du logement, son adaptation à leurs besoins et leur sentiment de sécurité.
La satisfaction des habitants par rapport aux conditions de logement est surtout marquée au sein des logements neufs ou réhabilités à de nouvelles normes de construction. Lorsque les logements sont moins récents et que les porteurs de projets ont moins de prise sur l’aménagement au sein de ces logements, les habitants apprécient les efforts fournis par les porteurs de projet pour adapter les logements aux besoins des habitants. Quant au sentiment de sécurité, il est apporté principalement par les équipements techniques ou la présence des autres locataires, des avantages incontestables de ce type d’habitat.
Notons également que les participants expriment une satisfaction élevée concernant leur sentiment de pouvoir aller et venir librement, organiser la journée à leur rythme, avoir des temps et des endroits pour s’isoler.
A ce sujet, on remarque certaines nuances selon le type d’habitat. La liberté d’utilisation des espaces partagés est surtout exprimée en projets groupés ou en colocation, tandis qu’en habitat diffus, les avis sont plus mitigés.
La liberté de recevoir des visites a également été évaluée. Les habitants se sentent relativement libres d’accueillir des visiteurs en journée. Les habitants des colocations émettent toutefois certaines réserves relatives aux règles de vie décidées entre les colocataires (ou mises en place par le porteur du projet), ou parce qu’ils ne se sentent pas très à l’aise vis-à-vis des autres colocataires.
Dans la grande majorité des projets, les habitants estiment que le logement est adapté à l’accueil de visiteurs, avec des réserves plus marquées en colocation puisque la chambre n’est pas vraiment considérée comme un lieu d’accueil et que les espaces communs offrent moins d’intimité.
Enfin, la majorité des habitants disent se sentir bien et chez eux au sein du logement.
Soutien, gain en autonomie et en compétences
La seconde dimension évaluée auprès des habitants interrogés est l’accompagnement. L’enquête a cherché à déterminer dans quelle mesure les personnes interrogées trouvent du soutien dans les domaines de la vie quotidienne, de la santé et de la gestion administrative.
On constate des différences surtout entre les personnes âgées dont 40 % environ des sondés affirment trouver du soutien dans les 3 domaines, et les personnes en situation de handicap qui sont plus nombreuses à répondre positivement pour les 3 domaines ( 80% trouvent un soutien pour la vie quotidienne, 68% pour la santé et 56% pour la gestion administrative.)
Par ailleurs, les personnes en situation de handicap se sentent davantage concernées que les personnes âgées par le soutien à l’autonomie dans les tâches de la vie quotidienne, les démarches administratives et les déplacements.
Pour les deux groupes, le gain en autonomie est davantage reconnu sur l’ensemble des thématiques par les personnes vivant au sein de colocations.
De la même manière, le gain en confiance est davantage perçu par les personnes en situation de handicap que par les personnes âgées autonomes. Elles expriment en effet le sentiment d’être “accompagnées et entourées”, contrairement à des expériences antérieures au sein de clinique, d’hôpital ou de foyer où “les libertés individuelles pouvaient être contraintes”.
Augmentation du lien social : moins de solitude et d’isolement
Le lien social représente un aspect important de l’habitat API et une motivation essentielle des personnes âgées ou en situation de handicap dans le choix de ce type de solution de logement.
En effet, les résultats de l’expérimentation confirment le fait que l’habitat API favorise le développement des relations sociales. Voisins ou colocataires, les occasions ne manquent pas pour créer du lien et des relations qui participent au bien-être individuel et collectif. L’étude révèle que ces relations forment l’essence même du projet d’habitat, et ce, quel que soit le modèle, colocation, habitat groupé ou diffus. Cependant, les porteurs de projets et les habitants considèrent qu’au-delà des activités, il est nécessaire de mettre en place des instances de paroles, des temps de médiation et des “Conseils de maison”, pour construire le collectif.
Une majorité d’habitants interrogés considèrent que le fait d’intégrer le groupe les aide à vivre des moments conviviaux, à se sentir moins seuls et à faire partie d’un groupe qui veille les uns sur les autres, avec des pourcentages légèrement plus élevés pour les personnes en situation de handicap que pour les personnes âgées autonomes.
Dans tous les types de projets, les activités collectives sont très appréciées par une très grande majorité des habitants. Les activités collectives permettent aux habitants de pouvoir s’investir, participent grandement à la consolidation des liens, renforcent la confiance en soi et l’estime de soi.
Par ailleurs, c’est en colocation que les activités collectives participent le plus à la réduction du sentiment de solitude.
De meilleures relations avec les proches, une amélioration de la situation d’aidant
Si 82% des habitants interrogés ont choisi de mentionner un proche dans leurs réponses, près de la moitié des personnes handicapées et près d’une personne âgée autonome sur cinq estiment que les relations se sont améliorées avec ce proche depuis l’installation en habitat, même si elles étaient déjà relativement bonnes avant. Cette amélioration est principalement attribuée par les personnes en situation de handicap à un mieux être ressenti depuis leur installation dans l’habitat et à l’opportunité de profiter de davantage de temps qualificatif avec leur proche. Elles mettent en avant une baisse des tensions dans la relation, un rythme plus adapté à leur vie personnelle et un sentiment d’indépendance.
Les personnes âgées autonomes mettent surtout en évidence le rapprochement géographique et le mieux être apporté par la vie en habitat.
L’expérimentation a permis également de tenir compte de l’avis des aidants. 68 proches ont répondu au questionnaire en témoignant du vécu et du ressenti des habitants, ainsi que de l’impact sur leur propre vécu d’aidant. Les résultats ont montré une nette classification entre 3 groupes principaux : les proches des habitants en situation de handicap, les proches de personnes âgées autonomes et les proches de personnes âgées vivant avec la maladie d’Alzheimer.
Notons que les proches des personnes âgées autonomes ou vivant avec la maladie d’Alzheimer sont surtout des enfants des habitants, tandis que les proches des personnes en situation de handicap sont principalement des parents des habitants.
Par rapport à un fort sentiment d’inquiétude permanent pour leur proche au sein d’un ancien logement et d’une situation d’isolement, les aidants témoignent d’une nette amélioration de leur situation personnelle depuis son installation en habitat. “Ainsi, l’inquiétude pour la situation du proche fait place à la confiance, le vécu de la situation d’aidant s’améliore, la charge de l’aide diminue nettement, ils sont heureux pour leur proche.” Les aidants qui ont besoin de soutien, en particulier les proches de personnes en situation de handicap ou souffrant d’Alzheimer, affirment trouver l’aide nécessaire, notamment auprès de l’équipe qui gère l’habitat, des intervenants à domicile et des autres proches de l’habitat.
Ainsi, cette mesure d’impact social apporte un éclairage détaillé et méticuleux de la vie au sein de l’une des formes d’habitat API. Elle a notamment permis de montrer la satisfaction globale des habitants, des aidants et des professionnels qui participent à ces projets, concernant les 4 grandes dimensions qui les définissent. Les habitants sont intégrés à une dynamique de lien social qui favorise les échanges, l’autonomie, la confiance en soi, le bien-être et le sentiment de liberté. Cette forme d’habitat innovant semble parfaitement convenir à des personnes autonomes, en situation de handicap ou vivant avec la maladie d’Alzheimer. Au-delà de l’impact positif pour les habitants, la relation avec le proche est améliorée, tout comme la situation personnelle de l’aidant.
Pour aller plus loin : consulter le rapport de l’HAPI
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