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Suicide des personnes âgées : un phénomène peu connu

Le suicide des personnes âgées reste un sujet méconnu et souvent sous-estimé. En France, les seniors affichent un des taux de suicide les plus élevés de la population, bien supérieurs à ceux des plus jeunes. Il cache une réalité difficile où solitude, isolement et sentiment d’abandon sont souvent mis en cause. Comment comprendre et prévenir le suicide des personnes âgées ?

Un taux élevé de suicide chez les personnes âgées

Selon le rapport annuel de l’Observatoire national du suicide publié par la Drees (la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) le 25 février 2025, le taux de suicide chez les personnes âgées de 85 à 94 ans atteint 35,2 pour 100000 habitants, près du triple en comparaison avec l’ensemble de la population. Souvent associé aux jeunes, le suicide apparaît pourtant beaucoup plus élevé chez les personnes âgées. Par ailleurs, les hommes âgés sont plus vulnérables que les femmes du même âge, avec un taux de suicide qui passe à 85,9 pour 100 000. 

Ces chiffres cachent une réalité inquiétante concernant la santé mentale et l’accompagnement des personnes âgées : le vieillissement peut s’accompagner d’un sentiment profond de désespoir et d’isolement.

Pourquoi ce phénomène est-il si peu visible ?

Contrairement aux idées reçues, le suicide des personnes âgées est rarement impulsif. Il est souvent prémédité et dissimulé, ce qui le rend plus difficile à repérer. On remarque aussi certaines problématiques qui concernent davantage le grand âge : 

  • Les personnes âgées communiquent moins leur détresse.
  • Leur entourage et les soignants banalisent parfois leur souffrance morale, la considérant comme “normale” avec l’âge.
  • Certaines tentatives sont déguisées (refus de soins, arrêt volontaire de l’alimentation).
  • Les personnes âgées isolées ont davantage de risque de développer un syndrome de glissement, qui peut passer inaperçu ou être confondu avec une déprime passagère.  

De plus, la médiatisation des suicides est quasi inexistante lorsqu’il s’agit de personnes âgées, ce qui contribue à leur invisibilité.

Quelles sont les causes fréquentes du suicide chez les seniors ?

Le suicide chez les personnes âgées rassemble plusieurs types de causes. Il est révélateur des défis auxquels font face de nombreuses personnes âgées, souvent en silence et sans solliciter d’aide.

Parmi les principales causes du suicide chez les personnes âgées:

  • La souffrance psychique et la dépression. En effet, alors que la dépression touche environ un quart des plus de 75 ans, elle reste sous-diagnostiquée. On parle alors de “dépression masquée”. Les symptômes diffèrent de ceux des plus jeunes et passent souvent pour une lassitude normale à un âge avancé: perte d’intérêt, troubles du sommeil, fatigue extrême.
  • L’isolement social. Il s’agit de l’un des facteurs principaux du suicide chez les personnes âgées. Veuvage, éloignement des proches, perte de liens sociaux, l’isolement favorise la perte d’estime de soi et le sentiment de ne plus avoir de place dans la société. 

Des professionnels du 3114, le numéro national de prévention du suicide, ont livré un témoignage poignant pour Gerontonews. Ils racontent l’histoire d’un monsieur âgé qui a pu être aidé par leurs soins. Veuf et ne voyant que très peu ses enfants, il souffrait d’un grand isolement et disait que ”ses enfants n’ayant plus besoin de lui, il ne lui restait plus qu’à partir pour rejoindre son épouse ». 

  • La perte d’autonomie et les maladies chroniques. Les douleurs physiques, le handicap et la dépendance sont vécus comme des atteintes à la dignité et à l’identité. Cette réalité pousse à réfléchir sur l’importance des soins palliatifs et de l’accompagnement psychologique des personnes atteintes de maladies graves et/ou chroniques. 
  • Le deuil. Avec l’avancée en âge, les décès de proches se multiplient, amplifiant le sentiment de solitude et de vide.
  • Les troubles cognitifs débutants. La peur de la démence ou l’annonce d’un diagnostic d’Alzheimer peuvent entraîner un profond désespoir.

Les signaux d’alerte à repérer

Même si la souffrance peut être cachée, certains signes précurseurs doivent alerter :

  • Un discours récurrent sur la mort comme: “Je ne sers plus à rien”, “Je préférerais en finir”.
  • Un changement soudain de comportement  : repli, tristesse inhabituelle…
  • La préparation d’un départ (règlement de ses affaires, dons).
  • Le refus de soins ou de prise alimentaire.
  • Les tentatives “passives” d’en finir  comme l’arrêt des traitements essentiels.

Le rôle des proches et des professionnels

La prévention du suicide des personnes âgées passe d’abord par l’écoute et l’attention. Il est essentiel que l’entourage et les soignants soient attentifs à tout signe de désespoir et repèrent les facteurs de risque comme l’isolement, le deuil ou encore la douleur, afin de proposer une aide psychologique et un accompagnement adaptée. Par ailleurs, aider les personnes âgées à maintenir le lien social et à participer à des activités valorisantes permet de diminuer ces facteurs de risque.
Il est bon de savoir également qu’il existe différents dispositifs d’aide comme le service national de prévention du suicide (3114) et autres plateformes téléphoniques d’écoute, ainsi que les associations d’aide aux personnes âgées isolées. 

La prévention du suicide chez les personnes âgées représente un enjeu collectif. Il n’est pas une fatalité et plusieurs pistes de prévention peuvent réduire le risque comme la formation des aidants et des soignants à repérer la dépression, le développement d’accès aux soins psychologiques en Ehpad et à domicile, la lutte contre l’isolement par des visites de bénévoles et des appels réguliers, ainsi que la lutte contre l’âgisme au sein de la société et la valorisation de la place des personnes âgées. 

Au sein des Ehpad, les programmes d’accompagnement psychologique et d’animation sociale contribuent à redonner du sens et à rompre la solitude.

Le suicide des personnes âgées est une réalité douloureuse qui reste trop souvent ignorée. Les chiffres alarmants révèlent qu’il ne s’agit pas d’un phénomène isolé, mais d’un problème de santé publique majeur, lié à l’isolement, à la perte d’autonomie, à la dépression et au sentiment de n’avoir plus de place dans la société. Pour le prévenir, il est essentiel de mieux informer, de lever les tabous et d’agir collectivement.

Chacun peut jouer un rôle : les proches, en restant attentifs aux signaux de détresse ; les professionnels, en proposant un accompagnement adapté et en valorisant la personne âgée ; la société, en luttant contre l’isolement et l’âgisme.

Rappelons qu’aucune détresse n’est une fatalité. En favorisant l’écoute, le lien social et le soutien psychologique, chacun peut contribuer à redonner sens, confiance et dignité aux aînés qui en ont besoin. 

Sources : pour les personnes âgées.gouv.fr / Drees / Gerontonews

Sophie B.

Rédactrice, journaliste presse et web passionnée de lettres et de belles lettres, Sophie dispose d’une grande expérience dans le domaine de la rédaction. A la recherche de la satisfaction des lecteurs, Sophie s’attache à la clarté du sens autant qu’à la beauté du verbe. Un diplôme de Sciences Politiques tout comme une formation d’enseignante lui permettent d’allier justesse, dynamisme et rigueur au service d’un contenu unique et recherché. Elle part sans cesse à la recherche de la réalité du terrain. Ses investigations auprès des publics concernés et les interviews qu’elle mène avec professionnalisme rendent son contenu vivant et instructif. Depuis plusieurs années, Sophie met sa plume et son expertise au service des seniors, afin d’approfondir de manière claire et rigoureuse les thématiques qui les touchent de près.

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