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EHPAD : plus de résidents Alzheimer

La nouvelle enquête de la DREES, publiée le 4 novembre 2025, dessine le portrait d’un secteur des établissements d’hébergement pour personnes âgées (EHPA) en pleine mutation. Cette vaste étude, qui couvre l’ensemble de l’offre en EHPAD, résidences autonomie, unités de soins de longue durée (USLD) et centres d’accueil de jour, révèle une évolution significative. Dans un contexte de vieillissement de la population, la fréquentation au sein de ces établissements diminue pour la première fois depuis des années et la proportion des résidents Alzheimer augmente. Des chiffres qui interrogent sur l’évolution de la prise en charge du grand âge.  

Un recul inédit de la fréquentation des établissements

Fin 2023, 697 000 personnes fréquentent un établissement d’hébergement pour personnes âgées ou y résident, soit 4,5 % de moins qu’en 2019. Ces données proviennent de l’enquête EHPA 2023 de la Drees (La Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques), conduite tous les quatre ans auprès des établissements d’hébergement pour personnes âgées. Cette vaste étude analyse les caractéristiques des résidents accueillis dans l’ensemble des structures, EHPAD, résidences autonomie, USLD et centres d’accueil de jour, ainsi que leur niveau de perte d’autonomie

Cette baisse, observée pour la première fois, touche pratiquement tous les types d’établissements et marque un tournant dans l’évolution du secteur. Concrètement, cela signifie que 29,5 % des personnes de 90 ans ou plus vivent ou fréquentent ces établissements, contre 31,5 % quatre ans plus tôt.

Si plus de 80 % des personnes fréquentant un EHPA résident en EHPAD, le nombre de personnes accueillies dans ce type d’établissement a diminué de 3,6 % en quatre ans. Dans les résidences autonomie, la baisse atteint 5,6 % sur la même période, principalement en raison d’un recul de 9,8 % dans les résidences autonomie publiques. Seule exception notable : les résidences autonomie privées, qui représentent un tiers des places dans cette catégorie d’hébergement et qui continuent de se développer, avec une hausse de 13 % du nombre de résidents.

Le taux d’occupation global s’établit à 92,1 %, en baisse de 3,6 points par rapport à 2019, alors que le nombre de places disponibles dans l’ensemble de l’offre n’a diminué que de 0,8 %. Les EHPAD du secteur privé à but lucratif affichent le taux d’occupation le plus faible (90,1 %), contre 96,5 % dans le privé à but non lucratif et 94,2 % dans le public.

Le rapport de la Drees met en avant plusieurs raisons possibles :  « Ce recul de fréquentation pourrait s’expliquer par l’amorce d’un virage domiciliaire, et, en parallèle, par une baisse de la prévalence de la perte d’autonomie chez les seniors« . L’effet encore visible de la pandémie de Covid-19, ainsi que celui des révélations sur les pratiques de certains établissements constituent également des pistes avancées pour expliquer cette diminution.

Un nombre croissant de centenaires en établissement

Contrairement à ce que l’on pourrait attendre, l’âge des résidents s’est stabilisé entre 2019 et 2023, après une hausse observée depuis 2011. La moitié des résidents ont désormais plus de 87 ans et 11 mois fin 2023, contre 88 ans fin 2019, et l’âge moyen s’établit à 86 ans (contre 86 ans et 1 mois en 2019).

Cette très légère baisse de l’âge moyen masque toutefois des évolutions contrastées : 24 % des résidents ont moins de 80 ans en 2023, contre 21 % en 2019, tandis que 39 % ont 90 ans et plus, contre 38 % quatre ans plus tôt. Les EHPAD accueillent les résidents les plus âgés, avec seulement 21 % de moins de 80 ans, quand ils représentent près de 40 % des résidents en résidence autonomie ou en USLD.

Le phénomène le plus marquant reste l’explosion du nombre de centenaires : leur effectif est passé de 10 600 fin 2019 (1,4 % des résidents) à 16 900 fin 2023 (2,4 %), soit une augmentation de 59 % en seulement quatre ans. Cette évolution témoigne à la fois de l’allongement continu de l’espérance de vie et de l’avancée en âge des générations nées dans l’entre-deux-guerres, plus nombreuses que celles nées pendant la Première Guerre mondiale.

Les femmes restent largement majoritaires dans les établissements (72 %), et sont en moyenne plus âgées que les hommes : 87 ans et 6 mois contre 82 ans et 2 mois, ce qui correspond à peu près à la différence d’espérance de vie entre les deux sexes. Elles se trouvent aussi plus souvent sans conjoint (90 %, contre 74 % pour les hommes), leur plus grande longévité expliquant cette surreprésentation des femmes veuves.

Le niveau de dépendance se stabilise après des années de hausse

Le rapport de la Drees constate que « le niveau moyen de perte d’autonomie des résidents se stabilise, après la hausse observée depuis 2011″. En 2023, tous établissements confondus, 85 % des résidents sont en perte d’autonomie (classés en GIR 1 à 4), une proportion identique à celle de 2019, mais en hausse par rapport à 2015 (83 %) et 2011 (81 %).

Sans surprise, les EHPAD concentrent les situations de plus forte dépendance : plus de la moitié de leurs résidents (55 %) sont en forte perte d’autonomie (GIR 1 ou 2). Toutefois, la part des personnes les plus dépendantes, confinées au lit (GIR 1), diminue légèrement, passant de 16 % en 2015 à 15 % en 2019 et 14 % en 2023.

Malgré cette stabilisation globale, le niveau de perte d’autonomie des résidents continue d’augmenter dans les EHPAD, sous l’effet de la baisse du nombre de personnes âgées quasi autonomes résidant dans ces institutions. Leur GIR moyen pondéré (GMP) est ainsi passé de 696 en 2015 à 705 en 2019 et à 737 en 2023. À l’opposé, dans les résidences autonomie, près des trois quarts des résidents sont en perte d’autonomie légère (GIR 5) ou nulle (GIR 6).

Les résidents les plus jeunes : des difficultés cognitives croissantes

Hors résidences autonomie, 98 % des résidents présentant une perte d’autonomie ont besoin d’aide pour réaliser leur toilette, 93 % pour s’habiller et 75 % pour s’alimenter, des statistiques similaires à celles de 2019. Les problèmes de cohérence et d’orientation sont relevés respectivement chez 86 % et 84 % des résidents présentant une perte d’autonomie.

Un constat particulièrement préoccupant concerne les résidents les plus jeunes. Si ceux de moins de 70 ans en perte d’autonomie sont nettement moins nombreux à souffrir de troubles moteurs (38 % peuvent s’asseoir et se lever seuls, 29 % peuvent se déplacer seuls à l’intérieur de l’établissement, contre 24 % et 16 % pour l’ensemble des résidents en GIR 1 à 4), ils sont en revanche davantage touchés par des problèmes de cohérence.

Ainsi, fin 2023, parmi les résidents en perte d’autonomie de moins de 70 ans, 91 % présentent des troubles de cohérence, contre 84 % chez les 90 ans ou plus. De plus, ce sont les résidents les plus jeunes qui connaissent l’accroissement le plus important de leurs difficultés par rapport à 2019.

Alzheimer : une présence en forte augmentation

L’enquête révèle qu’environ 268 200 résidents souffrent de la maladie d’Alzheimer ou d’une maladie apparentée en 2023, soit 38 % des personnes accueillies dans l’ensemble des EHPA. Cela représente 4 points de plus qu’en 2019, où cette proportion s’élevait à 34 %. Dans les EHPAD spécifiquement, 44 % des résidents sont concernés, soit 251 800 personnes.

Paradoxalement, alors que le nombre de résidents atteints d’Alzheimer augmente, seuls 13 % d’entre eux en EHPAD sont accueillis dans une unité spécifique pour personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer et maladies apparentées, une proportion légèrement inférieure à celle de 2019 (14 %). Près de 5 % des résidents sont accueillis en pôle d’activités et de soins adaptés (PASA) ou en unité d’hébergement renforcé (UHR), soit la même proportion que quatre ans plus tôt.

Cette situation interroge sur l’adaptation de l’offre aux besoins croissants de prise en charge spécialisée pour ces pathologies neurodégénératives qui touchent une part grandissante des résidents.

Les effets du virage domiciliaire

L’enquête met en lumière un renouvellement important et rapide de la population des EHPA. Près de 30 % des personnes accueillies au 31 décembre 2023 sont arrivées au cours de l’année. Parmi les nouveaux entrants, 51 % viennent de leur domicile ou de celui d’un proche, 16 % d’un autre établissement (EHPAD ou non, résidence autonomie ou USLD), et environ 29 % quittent un établissement de santé.

Les entrants les plus jeunes, âgés de moins de 70 ans, sont proportionnellement moins nombreux à venir de leur domicile (43 %). En revanche, 16 % d’entre eux arrivent d’établissements psychiatriques ou destinés à l’accueil d’adultes handicapés ou d’un accueil familial agréé, soit une proportion bien plus large que chez les résidents plus âgés.

L’âge moyen à l’entrée s’est stabilisé à 85 ans et 4 mois, soit un mois de moins qu’en 2019. Mais surtout, les seniors entrent en établissement avec des niveaux de perte d’autonomie un peu plus élevés qu’auparavant, conséquence des politiques publiques encourageant le maintien à domicile le plus longtemps possible. La proportion de personnes nouvellement entrées avec une grande autonomie (GIR 5 et 6) est ainsi passée de 17 % en 2011 à 12 % en 2023.

Les séjours sont souvent courts : 38 % des personnes ayant rejoint un établissement en 2023 l’ont quitté la même année. En moyenne, les résidents sortis en 2023 ont passé deux ans et quatre mois dans l’établissement, soit trois mois de moins qu’en 2019. La moitié des sortants y ont toutefois passé moins d’un an.

Un peu plus de deux tiers des sorties définitives (69 %) adviennent à la suite du décès de la personne accueillie et, dans 79 % des cas, ce dernier survient dans l’établissement. Les personnes décédées en établissement avaient en moyenne 89 ans et 8 mois, contre 89 ans et 1 mois en 2019. En USLD, structures accueillant le public avec la perte d’autonomie la plus sévère, les décès représentent 83 % des sorties, contre 71 % en EHPAD.

Lorsque des résidents quittent l’établissement pour un motif autre que le décès, c’est la plupart du temps pour se diriger vers un autre établissement médico-social ou sanitaire (49 %) ou pour rejoindre leur domicile ou celui d’un proche (49 %), dont une majorité concerne des résidents hébergés temporairement.

L’accueil de jour et l’hébergement temporaire restent sous-utilisés

Les séjours temporaires permettent notamment de tester la vie en établissement et d’offrir une solution de répit aux aidants. 

Malgré la loi d’adaptation de la société au vieillissement (loi ASV) de 2015 qui prévoit un développement du droit au répit des proches aidants, notamment via l’accueil de jour ou l’hébergement temporaire, ces solutions restent sous-employées. Le nombre de places proposées est pourtant en hausse : près de 13 600 en hébergement temporaire (900 de plus qu’en 2019) et près de 15 300 en accueil de jour (300 de plus).

Toutefois, fin 2023, seulement 8 200 résidents sont accueillis en hébergement temporaire, un niveau comparable à celui de 2015 (après 10 800 en 2019). De manière analogue, 11 700 personnes fréquentent un centre d’accueil de jour, un nombre proche de celui de 2019. Près de 16 300 résidents accueillis en établissement d’hébergement le sont uniquement en journée, soit 2 800 personnes de moins qu’en 2019.

L’accueil de nuit reste quant à lui une solution extrêmement rare, concernant moins de 100 personnes fin 2023, malgré un nombre de places proposées en hausse.

Quels défis pour les prochaines décennies ?

Si l’enquête DREES 2023 montre une certaine stabilisation de plusieurs indicateurs, les projections à long terme dessinent un tout autre tableau. Selon une étude conjointe de la Drees et de l’Insee publiée en octobre 2025, la France devrait connaître une augmentation significative du nombre de seniors en perte d’autonomie dans les prochaines décennies.

En 2021, le pays comptait déjà plus de 2 millions de personnes âgées en perte d’autonomie, soit 11,2 % des 18 millions de seniors de 60 ans et plus. Ce nombre devrait atteindre un pic de 2,8 millions de personnes en 2050, soit 700 000 personnes supplémentaires. Cette augmentation serait particulièrement forte jusqu’au début des années 2030, avant de ralentir.

Cette évolution démographique pose des questions majeures en termes de capacités d’accueil. Si le taux d’hébergement en établissement reste identique à celui de 2021 (30 %), il faudrait accueillir un million de seniors en établissement d’ici 2050, soit 56 % de places supplémentaires. Alternativement, le développement des solutions d’habitat intermédiaire et de maintien à domicile nécessiterait le recrutement de 800 000 salariés supplémentaires dans un secteur déjà sous tension.

Des disparités territoriales importantes

Les projections révèlent également que tous les départements ne seront pas confrontés aux mêmes défis au même moment. En 2021, les territoires ruraux étaient déjà davantage touchés par la perte d’autonomie : en Ardèche, en Haute-Loire, dans la Creuse, le Cantal ou la Lozère, la part de plus de 60 ans en perte d’autonomie se situait entre 13,5 et 14,3 %, pour une moyenne nationale de 11 %.

Les départements du Centre Val-de-Loire et des Hauts-de-France devraient atteindre leur pic de population âgée en perte d’autonomie dès 2041. À l’inverse, l’ouest de l’Hexagone, l’Île-de-France hors Paris, les Alpes, l’Alsace, la Corse et les départements d’outre-mer connaîtraient une hausse plus tardive mais plus marquée, avec des pics attendus jusqu’en 2070 pour des départements comme le Rhône, la Gironde ou l’Hérault.

Ces évolutions seraient amplifiées par les flux migratoires de seniors quittant l’Île-de-France pour s’installer à l’ouest et au sud du pays, accentuant la pression sur les infrastructures médico-sociales dans la moitié sud de l’Hexagone et en Bretagne.

Vers une transformation en profondeur du modèle d’accompagnement

L’enquête DREES 2023 et les projections démographiques dessinent les contours d’une transformation profonde du secteur de l’hébergement pour personnes âgées. La baisse de fréquentation actuelle, inédite dans l’histoire récente du secteur, traduit à la fois l’effet du virage domiciliaire souhaité par les pouvoirs publics et plébiscité par les seniors, mais aussi probablement une certaine désaffection liée à la crise sanitaire et aux révélations médiatiques sur certaines pratiques.

Paradoxalement, cette baisse de fréquentation s’accompagne d’une complexification des profils accueillis : augmentation spectaculaire du nombre de centenaires, hausse continue de la prévalence d’Alzheimer et des maladies apparentées, difficultés cognitives croissantes chez les résidents les plus jeunes, raccourcissement des durées de séjour. Les établissements deviennent ainsi des lieux de prise en charge de plus en plus spécialisés, accueillant des personnes dont le maintien à domicile n’est plus possible.

Ces évolutions appellent une réflexion globale sur le modèle d’accompagnement du grand âge en France. Le développement des alternatives comme le maintien à domicile renforcé, l’habitat inclusif, et les résidences autonomie apparaît comme une nécessité face aux aspirations des seniors et aux contraintes démographiques. Les solutions temporaires (accueil de jour, hébergement temporaire) restent largement sous-utilisées malgré leur potentiel pour soutenir les aidants et retarder l’entrée en établissement.

Parallèlement, les établissements devront continuer à adapter leur offre pour répondre à des besoins de plus en plus spécialisés, notamment en matière de prise en charge des maladies neurodégénératives. Le décalage entre la hausse des résidents atteints d’Alzheimer (38 % en 2023) et la faible proportion d’unités spécifiques (13 %) interroge sur les capacités d’adaptation du secteur.

Dans ce contexte, l’enjeu central reste l’attractivité des métiers du grand âge et la capacité à recruter et former les professionnels nécessaires. Avec 800 000 salariés supplémentaires à recruter à l’horizon 2050 pour le seul secteur du maintien à domicile, et un besoin potentiel de 56 % de places supplémentaires en établissement, c’est toute la filière du grand âge qui doit être repensée, valorisée et renforcée pour accompagner dignement les centaines de milliers de personnes qui, dans les prochaines années, auront besoin d’un soutien quotidien.

Sources :

Sophie B.

Rédactrice, journaliste presse et web passionnée de lettres et de belles lettres, Sophie dispose d’une grande expérience dans le domaine de la rédaction. A la recherche de la satisfaction des lecteurs, Sophie s’attache à la clarté du sens autant qu’à la beauté du verbe. Un diplôme de Sciences Politiques tout comme une formation d’enseignante lui permettent d’allier justesse, dynamisme et rigueur au service d’un contenu unique et recherché. Elle part sans cesse à la recherche de la réalité du terrain. Ses investigations auprès des publics concernés et les interviews qu’elle mène avec professionnalisme rendent son contenu vivant et instructif. Depuis plusieurs années, Sophie met sa plume et son expertise au service des seniors, afin d’approfondir de manière claire et rigoureuse les thématiques qui les touchent de près.

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