Une avancée médicale majeure vient d’être réalisée dans le traitement de la DMLA atrophique. Grâce à un implant sous-rétinien innovant, des dizaines de patients ont retrouvé une vision partielle, leur permettant à nouveau de lire et de reconnaître les visages.
Un nouvel espoir pour les personnes atteintes de DMLA
La dégénérescence maculaire liée à l’âge est la première cause de handicap visuel chez les personnes de plus de 50 ans. Une innovation a marqué un tournant majeur dans le traitement de cette maladie de l’œil dont la fréquence augmente fortement avec l’âge. Une étude internationale impliquant largement la France et publiée dans la prestigieuse revue New England Journal of Medicine, vient de révéler des résultats qualifiés d' »exceptionnels » par les chercheurs.
Pour la première fois, un implant rétinien a permis à 38 patients atteints de DMLA atrophique sévère, dite DMLA “sèche” de retrouver partiellement la vue. Précisons que cette forme de dégénérescence maculaire, la plus fréquente puisqu’elle touche 80% des personnes atteintes de DMLA, ne bénéficiait jusqu’à présent d’aucun traitement efficace.
Qu’est-ce que la DMLA ?
Pour comprendre l’impact de cette découverte révolutionnaire, il est important de comprendre ce qu’est la DMLA.
La dégénérescence maculaire liée à l’âge est une maladie de l’œil qui touche la macula, la zone centrale de la rétine responsable de la vision précise. C’est elle qui nous permet de lire, de reconnaître les visages, d’apprécier les détails d’un paysage. Dans la DMLA, cette zone si précieuse est progressivement détruite, tandis que la vision périphérique reste préservée.
Le malade se retrouve ainsi dans une situation paradoxale où il peut encore se déplacer relativement aisément mais ne peut plus accomplir les tâches qui nécessitent une vision centrale précise.
Il existe deux formes de DMLA :
La forme atrophique ou sèche, dont il est question dans cette étude, représente 80% des cas. Elle évolue lentement et ne bénéficiait jusqu’à présent d’aucun traitement
La forme humide ou exsudative, moins fréquente avec 20% des cas mais souvent plus agressive. Elle peut cependant être ralentie par des injections répétées dans l’œil.
Dans les deux cas, les cellules photoréceptrices, celles qui captent la lumière et transmettent les images au cerveau, disparaissent progressivement, provoquant une perte irréversible de la vision centrale.
La fréquence de la DMLA augmente avec l’âge et touche environ 1% des personnes entre 50-55 ans, 10% des 65-75 ans et 25-30% des plus de 75 ans. Mis à part l’âge, on relève également d’autres facteurs de risque comme le tabagisme, l’obésité, l’hérédité et une exposition prolongée à la lumière bleue des écrans.
Comment fonctionne l’implant Prima ?
L’implant Prima représente une véritable prouesse technologique. Il s’agit d’une puce de silicium de seulement 2 millimètres de côté et 30 microns d’épaisseur, soit l’équivalent à peine de trois cheveux superposés. Malgré sa taille, cette puce intègre trois cent soixante-dix-huit électrodes capables de stimuler la rétine endommagée pour redonner vie à des cellules que l’on croyait définitivement perdues.
Le fonctionnement du dispositif repose sur un système ingénieux. Le patient porte des lunettes équipées d’une caméra miniature qui filme son environnement. Les images sont ensuite transmises sans fil à un petit ordinateur de poche qui les optimise en augmentant leur contraste et leur luminosité. Enfin, ces images améliorées sont projetées par faisceau infrarouge sur l’implant placé sous la rétine, qui transforme cette lumière en signaux électriques compréhensibles par le cerveau.
L’un des atouts majeurs de ce système tient au fait qu’aucun fil ne sort de l’œil, contrairement aux générations précédentes d’implants, ce qui réduit considérablement les risques d’infection tout en améliorant le confort du patient.
En quoi consiste l’opération ?
L’intervention chirurgicale permettant de poser l’implant est relativement simple et accessible, réalisée en une à deux heures seulement au bloc opératoire. Une petite incision est pratiquée au niveau de la rétine pour glisser l’implant en dessous, un geste maîtrisé qui témoigne des progrès considérables de la chirurgie ophtalmologique moderne. Le fait que des personnes très âgées puissent bénéficier de cette intervention sans risque majeur constitue en soi une avancée majeure.
81% des patients opérés lisent 10 lettres supplémentaires
Les résultats de l’étude dépassent même les espérances les plus optimistes des chercheurs. 81% des patients opérés ont réussi à lire au moins 10 lettres supplémentaires sur les tableaux utilisés par les ophtalmologistes. Pour 78% d’entre eux, le gain a atteint 15 lettres. Un patient a même pu déchiffrer 59 lettres de plus qu’avant l’intervention.
Mais au-delà des chiffres et de la technologie, c’est surtout l’immense espoir que cette avancée représente pour les personnes atteintes de DMLA atrophique qui mérite d’être soulignée. Ces patients, dont l’âge moyen était de 79 ans dans l’étude, avaient perdu leur vision centrale et ne pouvaient plus accomplir ces gestes si simples en apparence mais tellement essentiels au quotidien. Pouvoir à nouveau lire le journal du matin, déchiffrer un message de ses petits-enfants, reconnaître le visage des êtres aimés, se déplacer en toute sécurité : autant d’actes qui retrouvent soudain leur valeur inestimable. Par ailleurs, l’âge moyen des participants prouve que cette intervention chirurgicale, réalisée en une à deux heures seulement, reste accessible même pour les personnes très âgées.
Comme le souligne Serge Picaud, directeur de recherche à l’Institut de la vision qui a participé aux nombreuses étapes précliniques de ce travail : « Ces premiers résultats sont exceptionnels. D’une part, c’est la première fois qu’un implant de ce type est utilisé non pas dans des rétinites pigmentaires mais dans la DMLA atrophique et d’autre part ce dispositif de neurostimulation a la particularité de fonctionner sans aucun fil ni câble ne sortant de l’œil des patients. »(propos recueillis par Sciences et Avenir).
Une collaboration internationale menée par des experts français
Ce succès est le fruit d’une collaboration entre plusieurs institutions de renom. L’étude a été menée dans 17 centres répartis dans cinq pays européens, avec une participation importante de plusieurs sites français.
Le professeur José-Alain Sahel, ancien directeur de l’Institut de la vision à Paris et figure pionnière dans ce domaine, déclarait déjà en 2016 : « Oui, nous parviendrons à redonner la vue ». Huit ans plus tard, ses travaux menés en collaboration avec une équipe internationale associant l’Institut de la vision, la Fondation Adolphe de Rothschild et l’université de Stanford concrétisent cette promesse audacieuse.
L’étude menée fait suite à une première étude qui avait déjà inclus quatre patients, portant donc à 42 le nombre total de personnes implantées à ce jour avec l’implant Prima. Ces chiffres, encore modestes, laissent entrevoir l’ampleur du chemin parcouru et celui qui reste à accomplir pour que cette technologie puisse bénéficier au plus grand nombre.
Des perspectives encourageantes pour l’avenir
Si ces premiers résultats sont déjà remarquables, les chercheurs travaillent déjà à améliorer le dispositif. L’implant pourrait être agrandi pour intégrer encore plus d’électrodes et ainsi améliorer la qualité de la vision restaurée.
La commercialisation de l’implant Prima pourrait intervenir d’ici un à deux ans, offrant enfin une solution thérapeutique aux millions de personnes touchées par la DMLA atrophique dans le monde. Rappelons qu’en France, cette maladie touche environ 30% des personnes de plus de 75 ans.
Les chercheurs envisagent également de tester cet implant pour d’autres pathologies oculaires, comme la rétinite pigmentaire ou la maladie de Stargardt. Cette perspective ouvre des horizons nouveaux pour de nombreux patients atteints de maladies génétiques de la rétine jusqu’ici considérées comme incurables.
Ainsi, l’implant rétinien Prima marque une avancée décisive dans la lutte contre la DMLA atrophique, une maladie jusqu’alors sans solution thérapeutique. En permettant à des patients âgés et très atteints de retrouver une vision centrale partielle, cette technologie redonne bien plus qu’une capacité visuelle : elle rend à chacun une part de son autonomie, de ses liens sociaux et de sa dignité.
Les résultats spectaculaires de l’étude, fruit d’une collaboration internationale, à laquelle la France a largement participé, confirment le potentiel immense de cette innovation. Si la technologie doit encore évoluer et s’affiner, notamment grâce à l’augmentation du nombre d’électrodes, elle ouvre déjà une voie d’espoir concrète pour des millions de personnes touchées par la DMLA dans le monde.
Source : New England Journal of Medicine, octobre 2025, / Sciences et Avenir





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