Lorsqu’un proche âgé rencontre des difficultés à gérer seul ses affaires ou que son état de santé se détériore, se pose la question de la protection juridique. Entre mandat de protection future, sauvegarde de justice, habilitation familiale, curatelle et tutelle, il n’est pas toujours facile de s’y retrouver. Chaque mesure correspond à des besoins spécifiques et offre un niveau de protection différent. Comment choisir la plus adaptée à la situation de votre proche ?
Le mandat de protection future : anticiper en toute sérénité
Si votre proche est encore lucide et souhaite organiser lui-même sa protection future, le mandat de protection future offre un cadre protégé laissant suffisamment de liberté à la personne concernée.
En effet, le mandat de protection future est la seule mesure qui ne nécessite pas l’intervention du juge. Il permet à une personne encore autonome de désigner par avance qui la représentera le jour où elle ne pourra plus gérer seule ses intérêts. Cette personne de confiance peut être un membre de la famille, un ami proche, ou même un professionnel (avocat, notaire).
Le mandat de protection future comporte plusieurs caractéristiques et implications pour la personne protégée :
- Le mandat ne s’applique pas immédiatement mais entre en vigueur uniquement lorsque l’altération des facultés est constatée par un médecin inscrit sur une liste officielle, et après une formalité d’activation, au greffe du tribunal ou chez un notaire selon le type de mandat.
- Le mandataire peut accomplir les actes définis dans le mandat (gestion bancaire, vente de biens, démarches administratives)
- La personne protégée conserve ses droits tant qu’elle est capable de les exercer
- Le mandataire doit rendre compte annuellement de sa gestion
Le mandat de protection future peut prendre deux formes différentes, sous seing privé, avec un document signé entre les parties, selon un modèle réglementé, ou notarié, offrant une protection plus large, notamment pour les actes patrimoniaux importants.
Cette forme de protection offre plusieurs avantages par rapport à une tutelle ou une curatelle. Elle permet notamment d’éviter une mesure judiciaire imposée, de choisir soi-même la personne qui agira et de respecter davantage la volonté et l’autonomie de la personne. Le mandat de protection future s’inscrit dans une logique de prévention et de responsabilité, en laissant la décision à la personne concernée tant qu’elle en a la capacité.
La sauvegarde de justice : une protection temporaire et légère
Lorsqu’un proche âgé traverse une période de vulnérabilité temporaire ou qu’il est nécessaire d’agir dans l’urgence en attendant une mesure plus adaptée, la sauvegarde de justice apporte une solution souple et adaptée. En effet, la sauvegarde de justice est la mesure la moins contraignante. Elle permet de protéger temporairement une personne dont les facultés sont altérées, tout en préservant sa pleine capacité juridique. Elle dure au maximum un an, renouvelable une fois.
La sauvegarde de justice comporte plusieurs avantages pour la personne protégée :
- La personne protégée conserve tous ses droits et peut continuer à effectuer tous les actes de la vie civile
- Le juge peut désigner un mandataire spécial pour accomplir certains actes précis (débloquer une assurance-vie, vendre un bien immobilier, établir un dossier de surendettement)
- Les actes passés peuvent être annulés s’ils portent préjudice aux intérêts de la personne
- Il n’y a pas de compte de gestion à rendre sauf en cas de mandat spécial
Cette mesure temporaire est souvent mise en place dans l’attente d’une tutelle ou d’une curatelle. Elle permet d’agir rapidement sans attendre le délai d’instruction d’une mesure plus lourde.
L’habilitation familiale : la solution souple pour les familles unies
Créée en 2015, l’habilitation familiale permet à un membre de la famille proche (ascendants, descendants, frères et sœurs, conjoint ou partenaire) de représenter ou d’assister un proche vulnérable sans le formalisme lourd de la tutelle ou de la curatelle.
L’habilitation familiale repose sur un principe de solidarité familiale et de confiance. En effet, elle convient parfaitement aux situations où un proche a besoin d’assistance et que la famille est d’accord sur le principe et la personne à désigner. Cette mesure permet de préserver la relation de confiance familiale.
Les implications de l’habilitation familiale sont les suivantes :
- L’habilitation peut être générale et concerner tous les actes, ou spéciale si elle porte uniquement sur certains actes déterminés
- La personne habilitée n’a pas à établir d’inventaire ni à présenter de compte de gestion annuel au juge
- La personne protégée conserve ses droits pour les actes non couverts par l’habilitation
- Il n’y a pas de contrôle du juge une fois l’habilitation prononcée, d’où la nécessité d’une famille unie
Cette mesure nécessite l’accord de l’ensemble de la famille proche et n’est pas adaptée en cas de conflit familial. Toutefois, certains actes importants comme la vente du logement nécessitent l’accord du juge.
La curatelle : l’accompagnement pour préserver l’autonomie
Lorsqu’une personne âgée a besoin d’aide pour les décisions importantes mais reste capable de gérer les actes courants du quotidien, la curatelle paraît être la mesure de protection la plus appropriée.
En effet, la curatelle est une mesure d’assistance qui laisse une certaine marge d’autonomie à la personne protégée. Elle convient aux personnes vulnérables mais encore capables de réaliser certains actes de la vie civile. Par ailleurs, cette mesure peut se décliner et s’adapter aux besoins spécifiques de la personne.
Il existe trois types de curatelle selon les besoins :
- La curatelle simple : le curateur assiste la personne pour les actes importants (vente, achat immobilier, gestion du patrimoine) mais elle conserve son autonomie pour les dépenses courantes
- La curatelle aménagée : le juge adapte la mesure aux besoins spécifiques en définissant précisément les actes que la personne peut faire seule
- La curatelle renforcée : le curateur perçoit les revenus et règle les dépenses à la place de la personne protégée
Les conséquences et implications de la curatelle sur le quotidien de la personne protégée sont les suivantes :
- La personne protégée peut gérer ses dépenses courantes (selon le type de curatelle)
- Elle doit être assistée du curateur pour les actes importants relatifs au patrimoine
- Elle conserve ses droits personnels (se marier, voter, faire son testament)
- Le curateur doit rendre compte annuellement de sa gestion au juge
Précisons que la curatelle est une mesure limitée dans le temps. Elle est prononcée pour une durée maximale de cinq ans, renouvelable. Elle représente un juste équilibre entre protection et préservation de l’autonomie.
La tutelle : la protection la plus complète
La tutelle est la mesure de protection la plus étendue. Elle s’adresse aux personnes dont les facultés sont considérablement altérées et qui ont besoin d’être représentées de manière continue dans tous les actes de la vie civile
Certaines situations justifient ainsi une mesure de protection davantage contraignante, lorsque les capacités de la personne sont altérées. En effet, lorsqu’une personne âgée ne peut plus du tout exprimer sa volonté ou gérer ses affaires en raison d’une altération importante de ses facultés, dans le cas par exemple d’un Alzheimer avancé ou d’un handicap sévère, les autres mesures ne sont pas suffisantes et la tutelle est généralement prononcée.
La tutelle a des implications relativement étendues dans plusieurs aspects de la vie de la personne protégée :
- Le tuteur représente la personne protégée pour tous les actes de la vie civile
- La personne sous tutelle perd une grande partie de ses droits (comparable à un mineur)
- Le tuteur gère l’ensemble du patrimoine et prend les décisions importantes
- Le juge exerce un contrôle strict avec compte de gestion annuel obligatoire
- Certains actes graves nécessitent l’autorisation du juge ou du conseil de famille
Remarque : La tutelle peut être complète ou allégée selon les capacités restantes de la personne. Elle ne peut excéder cinq ans (ou dix ans dans certains cas) mais peut être renouvelée jusqu’à vingt ans.
Mesures de protection juridique : comment faire le bon choix ?
Lorsqu’un proche perd progressivement ses facultés, de manière ponctuelle ou durable, il est souvent difficile de savoir vers quelle protection se tourner pour assurer au mieux sa sécurité sans le priver de trop de liberté.
Le choix de la mesure dépend essentiellement de trois critères principaux :
- Le degré d’autonomie de la personne : Plus les facultés sont altérées, plus la protection doit être renforcée
- La situation familiale : Une famille unie et d’accord peut opter pour l’habilitation familiale ou le mandat de protection future
- L’urgence : En cas d’urgence, la sauvegarde de justice permet d’agir rapidement
Notons, que la loi reconnaît la nécessité de cette balance entre protection et liberté au travers du principe de subsidiarité. En effet, ce principe impose de toujours choisir la mesure la moins contraignante possible. On privilégie d’abord les solutions simples (procuration bancaire, mandat de protection future), puis l’habilitation familiale, ensuite la curatelle, et en dernier recours la tutelle.
Ainsi, chaque mesure de protection répond à des besoins spécifiques. Le mandat de protection future permet d’anticiper, la sauvegarde de justice d’agir dans l’urgence, l’habilitation familiale offre une solution souple pour les familles unies, la curatelle préserve l’autonomie tout en protégeant, et la tutelle assure une représentation complète pour les situations les plus graves.
L’essentiel reste de choisir la mesure la moins contraignante possible tout en assurant une protection effective des intérêts du proche âgé.





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