La désignation d’une personne de confiance est un droit fondamental pour toute personne majeure en France. Introduite par la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades, cette disposition permet à chacun de désigner une personne qui pourra être consultée et témoigner de ses volontés si un jour il n’est plus en mesure de s’exprimer. Qu’est-ce qu’une personne de confiance ? Quel est son rôle exact ? Comment la désigner ? Pourquoi est-ce important d’anticiper cette décision, notamment en cas de maladie grave ?
La personne de confiance représente un interlocuteur essentiel dans la relation entre le patient et les équipes soignantes. Elle ne prend pas de décisions à la place du patient, mais elle témoigne de ses préférences et de ses volontés auprès des professionnels de santé. Créée il y a plus de vingt ans, cette mesure demeure pourtant largement méconnue du grand public. Selon une enquête menée par France Assos Santé en 2020, seuls 45% des personnes interrogées avaient déjà désigné une personne de confiance, même parmi celles ayant été hospitalisées récemment. Pourtant, dans des situations où la personne ne peut plus exprimer ses souhaits, notamment en fin de vie, la personne de confiance joue un rôle crucial.
Qu’est-ce qu’une personne de confiance et quel est son rôle ?
La personne de confiance est définie par l’article L1111-6 du Code de la santé publique comme une personne qui peut être un parent, un proche ou même le médecin traitant, et qui sera consultée au cas où le patient serait hors d’état d’exprimer sa volonté.
La personne de confiance remplit trois missions principales :
- Lorsque le patient est en capacité de s’exprimer, la personne de confiance peut l’accompagner dans ses démarches médicales, assister aux entretiens avec les médecins et l’aider à comprendre ses droits et à prendre des décisions concernant sa santé.
- Lorsque le patient n’est plus en état d’exprimer sa volonté, la personne de confiance doit être consultée en priorité par l’équipe médicale. Elle rend alors compte de la volonté du patient en témoignant de sa parole et de ses choix. La loi précise même que son témoignage prévaut sur tout autre témoignage, y compris celui des membres de la famille.
- La personne de confiance peut recevoir l’information médicale nécessaire pour rendre compte de la volonté du patient.
Il est essentiel de bien comprendre que la personne de confiance n’a pas de pouvoir de décision. Elle ne décide pas à la place du patient et c’est le médecin qui garde la responsabilité de la prise de décision médicale. Cependant, le médecin doit s’appuyer sur les éléments que la personne de confiance lui apporte pour prendre une décision respectant au mieux la volonté du patient.
Le rôle de la personne de confiance dans la prise en charge de la fin de vie a été particulièrement renforcé par la loi du 2 février 2016 relative aux droits des malades et des personnes en fin de vie. Lorsqu’il faut envisager une limitation ou un arrêt des traitements, ou la mise en œuvre d’une sédation profonde et continue jusqu’au décès, la consultation de la personne de confiance devient primordiale. Cette mission est d’autant plus importante pour les personnes atteintes de maladies neurodégénératives comme la maladie de Huntington, où la progression de la maladie affecte progressivement les capacités cognitives et la prise de décision des patients.
Qui peut désigner une personne de confiance et qui peut être désigné ?
Toute personne majeure peut désigner une personne de confiance. Cependant, certaines situations particulières doivent être prises en compte. Lorsqu’une personne fait l’objet d’une mesure de protection juridique, comme une tutelle, elle peut néanmoins désigner une personne de confiance, mais cette désignation nécessite l’autorisation du juge ou du conseil de famille s’il a été constitué. Si la personne de confiance avait été désignée avant la mesure de protection, le conseil de famille ou le juge peut confirmer cette désignation ou la révoquer. Cette disposition garantit que même les personnes vulnérables conservent le droit de désigner la personne en qui elles ont le plus confiance.
Quant à l’identité de la personne qui peut être désignée, le choix est relativement libre. Il peut s’agir d’un membre de la famille, mais pas nécessairement. Ce peut être un ami proche, un voisin, ou même le médecin traitant. L’essentiel est que cette personne connaisse bien le patient, partage ses valeurs et soit capable de témoigner fidèlement de ses volontés. La confiance mutuelle constitue le fondement de cette désignation. Il est fortement recommandé d’avoir discuté au préalable avec la personne choisie de ses choix de vie, de ses valeurs, de ce qui est important à ses yeux, notamment concernant les traitements médicaux et la fin de vie. Contrairement à une idée reçue, le conjoint n’est pas automatiquement la personne de confiance. L’acte de mariage ne confère pas cette qualité. La désignation doit être explicite et formalisée par écrit.
Il est important de ne pas confondre la personne de confiance avec la personne à prévenir en cas d’urgence. Cette dernière est simplement contactée par l’équipe médicale en cas de dégradation de l’état de santé ou de survenue d’un événement inattendu, mais elle n’a pas de rôle particulier dans les décisions médicales. Il peut s’agir de la même personne ou de deux personnes différentes. La personne de confiance peut également être distincte de la personne désignée dans les directives anticipées, même si ces deux dispositifs sont complémentaires et qu’il est judicieux de confier une copie de ses directives anticipées à sa personne de confiance.
Comment désigner une personne de confiance ?
La désignation d’une personne de confiance doit respecter certaines formalités simples mais essentielles. Elle doit être faite par écrit et cosignée par la personne désignée. Cette double signature garantit que la personne choisie accepte pleinement cette mission et en comprend les implications. Des formulaires types sont généralement proposés lors d’une hospitalisation dans un établissement de santé. Le document de désignation est ensuite intégré au dossier médical du patient.
La désignation d’une personne de confiance est valable sans limitation de durée, sauf si le patient en décide autrement. Dans le cadre d’une hospitalisation, si aucune précision n’est apportée, la désignation reste valable uniquement pour la durée du séjour hospitalier. Il est donc recommandé de préciser explicitement si l’on souhaite que cette désignation s’applique au-delà de l’hospitalisation. Par ailleurs, elle est révisable et révocable à tout moment. Si une personne change d’avis sur le choix de sa personne de confiance, elle peut la modifier en informant l’ancienne personne de confiance, en détruisant les documents précédents et en procédant à une nouvelle désignation. Il convient alors d’informer tous les professionnels de santé qui avaient été prévenus de la première désignation.
Le médecin traitant joue un rôle d’information important dans ce dispositif. Depuis la loi de 2016, il doit s’assurer que son patient est informé de la possibilité de désigner une personne de confiance et, le cas échéant, l’inviter à procéder à une telle désignation. Cette mission d’information est fondamentale car elle permet de sensibiliser les patients avant même qu’une situation d’urgence ne survienne. Désigner une personne de confiance quand on est en bonne santé, ou au début d’une maladie, permet de le faire sereinement, dans une discussion posée avec la personne choisie, plutôt que dans l’urgence d’une hospitalisation ou d’une détérioration de l’état de santé.
Pourquoi est-ce important de désigner une personne de confiance ?
L’importance de désigner une personne de confiance se révèle particulièrement dans les situations où une personne ne peut plus exprimer ses volontés. Cela peut survenir suite à un accident entraînant une perte de connaissance, lors d’une anesthésie générale, en cas de confusion mentale, ou dans les derniers stades d’une maladie grave. Dans ces moments critiques, les équipes médicales doivent prendre des décisions thérapeutiques importantes et ont besoin de connaître les souhaits du patient pour respecter au mieux sa volonté. En l’absence de directives anticipées écrites, la personne de confiance devient alors le porte-parole privilégié du patient.
Cette désignation prend une dimension encore plus cruciale dans le contexte des soins palliatifs et de la fin de vie. Lorsqu’il faut décider d’une limitation ou d’un arrêt de traitements, d’une hydratation ou d’une alimentation artificielles, ou encore de la mise en place d’une sédation profonde, la parole de la personne de confiance permet aux médecins de s’assurer qu’ils respectent les valeurs et les volontés du patient. Sans cette désignation claire, les équipes médicales doivent recueillir les témoignages de plusieurs membres de la famille ou de l’entourage, ce qui peut conduire à des désaccords, des tensions voire des conflits familiaux.
Anticiper cette décision, c’est aussi soulager ses proches d’un poids considérable. Le rôle des aidants dans la fin de vie est déjà suffisamment éprouvant émotionnellement et physiquement. Savoir que l’on a désigné une personne de confiance qui connaît ses souhaits permet d’éviter que les proches ne se sentent seuls face à des décisions médicales difficiles, ou qu’ils ne soient divisés sur ce qu’il conviendrait de faire. La personne de confiance peut elle-même s’appuyer sur les directives anticipées si elles ont été rédigées, ce qui renforce encore la cohérence de l’accompagnement.
Les obstacles à la désignation d’une personne de confiance
Malgré son importance, plusieurs freins empêchent de nombreuses personnes de désigner une personne de confiance. Ces obstacles peuvent être de plusieurs ordres. Les freins informationnels sont souvent présents. Beaucoup de personnes ignorent l’existence même de ce dispositif ou ne comprennent pas bien son fonctionnement. Les professionnels de santé eux-mêmes ne disposent pas toujours du temps nécessaire pour fournir des informations détaillées sur les droits des patients, notamment dans un contexte d’établissements cumulant des problèmes d’effectifs et des pathologies complexes.
On constate également certains freins organisationnels. Bien que la loi impose de proposer cette désignation lors de toute hospitalisation ou admission en établissement médico-social, le moment choisi n’est pas toujours le plus opportun. Proposer de désigner une personne de confiance le jour de l’admission, alors que le patient et sa famille sont stressés, inquiets, occupés par les formalités administratives, n’est pas le meilleur moment pour une décision aussi importante.
Les freins psycho-affectifs constituent un troisième obstacle majeur. Désigner une personne de confiance oblige à se confronter à l’idée de sa propre vulnérabilité, de la maladie, voire de la mort. Des jeunes patients en bonne santé ont des difficultés à imaginer la survenue d’un accident les plaçant dans l’incapacité de s’exprimer. Pour les personnes plus âgées ou malades, choisir un proche plutôt qu’un autre peut créer des tensions familiales ou être source de culpabilité. Dans les familles où existent des conflits, désigner une personne de confiance peut raviver ou exacerber ces tensions.
Enfin, des freins culturels peuvent également jouer un rôle. Pour certaines familles, la question de la maladie grave et de la mort est taboue et ne se discute pas. La notion même de désigner quelqu’un pour parler à sa place, d’anticiper des décisions médicales, peut heurter certaines conceptions. Pour d’autres personnes, le simple mot « confiance » pose problème : accorder sa confiance à une personne privilégiée est un acte profond qui nécessite un lien relationnel fort. Toutes ces raisons expliquent pourquoi, vingt ans après l’introduction de ce dispositif dans la loi, il demeure encore largement sous-utilisé.
Personne de confiance et établissements pour personnes âgées
La loi du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement a étendu le concept de personne de confiance au secteur médico-social, notamment pour les personnes entrant en EHPAD ou faisant appel à des services d’aide à domicile.
Dans ces établissements, la personne de confiance peut avoir un double rôle.
D’une part, elle remplit les missions prévues par le Code de l’action sociale et des familles : elle donne son avis et est consultée lorsque la personne rencontre des difficultés dans la connaissance de ses droits, elle accompagne le résident lors des entretiens préalables à la signature du contrat de séjour et l’assiste dans ses démarches.
D’autre part, elle peut également remplir le rôle de la personne de confiance tel qu’il est prévu dans le Code de la santé publique pour les décisions médicales.
Il peut donc exister deux personnes de confiance différentes, l’une pour les aspects médico-sociaux et l’autre pour les aspects médicaux, ou une seule personne remplissant les deux rôles. En pratique, dans les EHPAD, la désignation d’une personne de confiance est généralement proposée lors de l’admission du résident. Cependant, il arrive que les résidents et leur famille ne procèdent pas forcément à cette désignation, souvent en raison d’un manque d’information claire sur son importance et ses implications concrètes.
Désigner une personne de confiance est un acte simple mais essentiel qui permet de préserver son autonomie de décision même lorsque l’on n’est plus en mesure de s’exprimer. C’est une démarche responsable qui soulage ses proches et garantit que ses volontés seront respectées dans les moments les plus difficiles.





Ajouter un commentaire